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Trop méconnu Roi d’Ys

Marseille
Opéra
05/10/2014 -  et 13, 15, 18 mai 2014
Edouard Lalo : Le Roi d’Ys
Inva Mula (Rozenn), Béatrice Uria-Monzon (Margared), Florian Laconi (Mylio), Philippe Rouillon (Karnac), Nicolas Courjal (Le Roi), Patrick Delcour (Saint Corentin), Marc Scoffoni (Jahel)
Chœur et Orchestre de l’Opéra de Marseille, Lawrence Foster (direction musicale)
Jean-Louis Pichon (mise en scène), Alexandre Heyraud (décors), Frédéric Pineau (costumes), Michel Theuil (lumières)


I. Mula, B. Uria-Monzon (© Christian Dresse)


Si le répertoire français de la fin du dix-neuvième siècle compte son lot d’enfants du wagnérisme plus ou moins négligés – exception faite de Debussy avec son rebelle Pelléas et MélisandeLe Roi d’Ys de Lalo occupe une place singulière hélas insuffisamment mise en valeur. On recense certes deux concerts la saison passée, l’un à Montpellier puis l’autre à l’Opéra Comique, mais, à titre d’exemple, l’Opéra de Marseille n’avait pas donné l’œuvre sur sa scène depuis vingt ans – et encore ce n’est rien au regard de l’ostensible mépris des institutions parisiennes. Pourtant, si la fameuse aubade de Mylio ne suffit pas pour la faire tintinnabuler dans l’écho de la renommée comme les clochettes de Lakmé, l’œuvre ménage bien d’autres scènes marquantes, à l’instar de la confrontation entre les deux sœurs, et constitue une synthèse originale de l’influence germanique – et pas seulement des brumes du barde de Bayreuth –, et de la tradition française. De la première, on reconnaît un remarquable sens de la construction symphonique qui se nourrit, entre autres, de Beethoven, Schumann ou Brahms, tandis que la seconde s’entend dans une orchestration qui a retenu la leçon de Berlioz – les clarinettes! C’est d’ailleurs à l’auteur des Troyens que l’on songe dans le chœur initial, qui, pour reprendre les clameurs de Werther – «Noël!» – n’en suit pas moins la trame et la pompe joyeuse des fêtes carthaginoises – «Gloire à Didon». Et, qualité plutôt modérément en cour à l’époque, la partition se distingue par une admirable concision, que ne gâche point une facture rythmique parfois originale.


Certes, la mise en scène de Jean-Louis Pichon présente l’avantage de ne pas expérimenter de relectures iconoclastes, mais sa chevalerie en haut-de-forme et une armée de Karnac marquée au fer rouge du satanisme – le personnage s’apparente il est vrai à Méphistophélès – ne constituent pas un exact avatar de subtilité. On pourra discuter une direction d’acteurs en mal de nuances et une scénographie un peu sommaire. Du moins n’empêchent-elles pas les solistes. A défaut de perfection, la distribution vocale fait honneur à la partition. De Margared, Béatrice Uria-Monzon possède les apprêts sombres et tourmentés, jusque dans un registre aigu où éclate plus de haine vengeresse que de maîtrise. Sa sœur, Rozenn, s’épanouit dans le lyrisme d’Inva Mula, non exempt d’une certaine fragilité jusque dans la voix. A ses côtés, Florian Laconi exalte en Mylio un héroïsme solaire qui ne craint pas son enthousiasme primaire. On croit tout autant aux démoniaques griffes de Karnac chanté avec vigueur et engagement par Philippe Rouillon. Nonobstant quelque sécheresse dans l’intonation, Nicolas Courjal réserve au Roi l’onctueuse noblesse qui sied à sa bienveillance paternelle. Amplifié d’outre-scène, Patrick Delcour incarne l’impériosité de saint Corentin, tandis que Marc Scoffoni affirme un Jahel sans reproche. Si la mise en place des chœurs bute parfois sur la virtuosité et les pièges de la partie qui lui est dévolue, Lawrence Foster, avec un sens certain de l’efficacité dramatique, fait résonner généreusement l’orchestre de la maison et rend justice à un ouvrage qui méritait davantage l’attention des programmateurs.



Gilles Charlassier

 

 

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