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Lettres ensablées

Bordeaux
Grand-Théâtre
04/25/2014 -  et 27*, 29, 30 avril 2014
Christian Lauba : La Lettre des sables (création)
Bénédicte Tauran (Mira), Christophe Gay (Karl vieux, Le vieil homme), Avi Klemberg (Karl jeune), Boris Grappe (Frantz), Daphné Touchais (Lira)
Chœurs de l’Opéra national de Bordeaux, Alexander Martin (direction des chœurs), Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Jean-Michaël Lavoie (direction musicale)
Daniel Mesguisch (mise en scène), Csaba Antal (décors), Dominique Louis (costumes), Mathieu Courtaillier (lumières)


(© Ateliers de l’ONBA)


Directeur musical de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine de 2004 à 2006 – à la suite de Hans Graf – Christian Lauba est resté fidèle tout au long de sa carrière à sa ville natale. Et c’est donc naturellement à son institution lyrique qu’il devait réserver son premier opéra, création longtemps différée malgré l’insistance de Thierry Fouquet, le directeur de la maison. Ce premier opus, La Lettre des sables, est le fruit d’une collaboration avec Daniel Mesguish, lequel s’est librement inspiré des thèmes de La Machine à explorer le temps de Wells, faisant voyager à travers les ères une quête d’amour et d’identité.


L’idée d’une traversée des époques s’avérait séduisante, et le compositeur bordelais en a tiré les ficelles musicales avec une belle habileté, mettant ainsi ses pas dans ceux d’une longue tradition musicale incarnée entre autres par Tchaïkovski dans La Dame de pique ou le Chevalier à la rose de Richard Strauss. L’évocation du moyen-âge accuse sans doute une densité orchestrale anachronique, mais les poudres du XVIIIe siècle nous valent un pastiche élégant tandis que, sans céder à l’exercice de style, se font entendre des citations, à l’instar du thème enivrant du duo d’amour entre Ariane et Bacchus – extrait d’Ariane à Naxos.


On pourra bien souligner une écriture percussive efficace mais dont la puissance oublie parfois un peu les chanteurs, timidement relégués dans une valse-hésitation entre chant et déclamation qui n’est pas sans rappeler l’esthétique d’un Glass dans Les Enfants terribles – ouvrage présenté dans ces murs en novembre 2011 –, l’économie du plateau et les relations noueuses entre les personnages n’étant pas étrangères à ces réminiscences involontaires du spectateur. Du reste, la partie vocale s’attache à la lisibilité du texte, et si Bénédicte Tauran manie avec ductilité les changements de registres, sa présence ne peut que se blottir à l’ombre du lyrisme généreux d’Avi Klemberg dans la défroque de Karl jeune. Son avatar à l’autre bout de l’existence, qui apparaît également sous les traits du Vieil homme, est campé par Christophe Gay avec un réel souci de la caractérisation théâtrale. Boris Grappe affirme un Frantz versatile qui siérait bien à Offenbach – sa tirade de régisseur lui donne l’allure égarée des Contes d’Hoffmann – tandis que Daphné Touchais ne sort de son mutisme que pour distiller la fraîcheur de Lira.


Nonobstant des réserves d’équilibre, les notes charmeraient les oreilles si le livret de Daniel Mesguisch ne s’abîmait dans un penchant pour un amphigouri et une métaphysique creux. Si l’histoire brasse des motifs existentiels intemporels, sa théâtralité plus conceptuelle que narrative la laisse aux portes de la poésie – à l’inverse de ce qu’un Daniel Pennac avait réalisé dans Le Tueur de mots d’Ambrosini créé en 2010 à Venise et à Nancy deux ans plus tard. La mise en scène du librettiste a beau projeter des rêves aux lumières mouvantes sur fond de décors agréables à l’œil signés par Csaba Antal, sa trace onirique ne s’en évade pas pour autant d’une regrettable pesanteur démonstrative.



Gilles Charlassier

 

 

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