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La fausse innocence de L’Etoile Montpellier Opéra Comédie 03/29/2014 - et 30 mars 2014 Emmanuel Chabrier : L’Etoile Samy Camps (Le Roi Ouf Ier), Héloïse Mas (Lazuli), Solistes du Jeune Opéra: Nina Le Floch/Marie Sénié (La princesse Laoula), Clara Vallet (Siroco), Guillaume René (Hérisson de Porc-Epic), Lisa Barthélémy/Apolline Raï-Westphal (Aloès), Camille Poirier (Tapioca), Alisée Clavaud (Patacha), Maëlis Monnanteuil (Zalzal), Rémi Taffanel (Le pianiste, Le spectre), Yasmeen Boukhari (soprano), Zoé Bouchacourt (Le maître)
Chœurs du Jeune Opéra, Vincent Recolin (chef des chœurs), Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, Jérôme Pillement (direction musicale)
Benoît Bénichou (mise en scène et adaptation du livret), Amélie Kiritzé-Topor (scénographie), Bruno Fatalot (costumes), Thomas Costberg (lumières), Anne Lopez (chorégraphie)
(© Marc Ginot)
Dans la forêt de programmes pédagogiques que les théâtres lyriques français proposent, Jeune Opéra tient une place à part. Là où les projets se tiennent généralement à distance des conditions professionnelles habituelles, celui de l’agglomération montpelliéraine n’en écarte pas les jeunes amateurs. Il n’entretient cependant pas de conflit avec les structures consacrées, mais institue plutôt des partenariats, permettant ainsi par exemple d’offrir une expérience scénique aux étudiants des conservatoires tout en créant une opportunité pour de jeunes mélomanes d’incarner leurs rêves de planches inassouvis. Si certains talents se révèlent, l’enjeu reste cependant le plaisir de la scène bien faite sans arrière-pensée concurrentielle. Cette parenthèse éducative alternative dirigée par Jérôme Pillement est désormais intégrée pleinement à l’Opéra national de Montpellier, et donne avec L’Etoile de Chabrier leur première production dans la salle historique de l’Opéra Comédie.
Avec un budget limité, Benoît Bénichou a imaginé pour ces jeunes chanteurs un spectacle habile, soucieux d’une crédibilité que leur âge pourrait altérer si l’on prenait l’intrigue au premier degré. Le rideau s’ouvre ainsi sur une soliste avec son répétiteur au piano mais ils sont interrompus par une nuée d’adolescents: les aventures de Laoula et Lazuli sous le règne du roi Ouf Ier et la valse des costumes peuvent commencer. Le tyran revêt l’uniforme marin d’un sergent botté que l’on croirait sorti de quelque imaginaire pop que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître. Au milieu de la mobilité des praticables et des scalaires métalliques, le jeu des protagonistes respire le plaisir d’endosser défroques et calembours. Mais une telle fraîcheur que l’on dirait volontiers innocente achoppe sur le sadisme du monarque, seul en scène dans un épilogue où ses menaces se perdent en logorrhée, envers de la citation d’Apollinaire selon laquelle «il faut rallumer les étoiles», enseigne sous laquelle devrait logiquement se terminer l’ouvrage.
Passé la surprise de chœurs et de formats vocaux inhabituels, l’oreille s’accoutume à cette juvénilité et à cette spontanéité. Seuls «professionnels» du plateau, Samy Camps et Héloïse Mas, qui avaient déjà collaboré avec Benoît Bénichou – l’une à Caen dans Trouble in Tahiti et L’Enfant et les sortilèges, l’autre dans L’Heure espagnole au Conservatoire de Lyon – incarnent respectivement Ouf et Lazuli. Si le premier se cantonne à une émission serrée, la seconde déploie une musicalité et un instrument souple et coloré qui s’avèrent prometteurs. A la tête de l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, Jérôme Pillement réalise une intelligente adaptation de la partition à ces interprètes en herbe, ne sacrifiant jamais la valeur artistique aux contraintes techniques, ce que seule une formation aguerrie peut faire sans trahir inutilement l’ouvrage. Nombre de pédagogues autoproclamés ne perdraient rien à s’inspirer d’un tel travail.
Gilles Charlassier
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