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Trois magnifiques prises de rôle

Nantes
Théâtre Graslin
03/23/2014 -  et 25, 27, 30 mars, 1er (Nantes), 11, 13 (Angers) avril 2014
Claude Debussy : Pelléas et Mélisande
Armando Noguera (Pelléas), Stéphanie d’Oustrac (Mélisande), Jean-François Lapointe (Golaud), Wolfgang Schöne (Arkel), Cornelia Oncioiu (Geneviève), Chloé Briot (Yniold), Frédéric Caton (Le médecin), Mathilde Clavier, Janine Marzelière, Chantal Ringot (figuration)
Chœur d’Angers Nantes Opéra, Xavier Ribes (direction des chœurs), Orchestre national des Pays de la Loire, Daniel Kawka (direction musicale)
Emmanuelle Bastet (mise en scène), Tim Northam (scénographie et costumes), François Thouret (lumières)


S. d’Oustrac, A. Noguera (© Jef Rabillon)


On sait combien Angers Nantes Opéra aime se faire un tremplin pour les jeunes chanteurs, français ou d’ailleurs, et il le prouve une fois de plus avec un Pelléas et Mélisande de grande tenue qui offre à Stéphanie d’Oustrac sa première Mélisande. A rebours des transparences éthérées où se réfugient certaines de ses consœurs, la mezzo française affirme sa voix charnue dans une composition d’une complexité psychologique où la dissimulation le dispute à la naïveté et l’innocence. Si cette ambivalence peut surprendre de prime abord, elle donne une profondeur qui finit par profiter au personnage, sans compter naturellement une diction exemplaire que l’on retrouve chez le Pelléas d’Armando Noguera et le Golaud de Jean-François Lapointe, l’un et l’autre également en prise de rôle. Le cadet se distingue par une présence touchante et nourrit une instinctive complicité avec Mélisande tandis que l’aîné n’a pas besoin de forcer des moyens vocaux de grande qualité pour exprimer la vengeance qui le pousse au meurtre de son beau-frère, personnage qu’il a d’ailleurs à son répertoire depuis plusieurs années.


En comparaison, le teuton Arkel de Wolfgang Schöne se révèle peu idiomatique, quand bien même sa diction témoigne d’un excellent travail linguistique. Prise au piège par des frémissements délicatement contrôlés, Cornelia Oncioiu ne démérite pas en Geneviève mais ne parvient pas à habiter réellement la scène de la lettre. En revanche, Chloé Briot réserve un Yniold plein de fraîcheur, tout en préservant des marges du caractère à explorer. Dans les quelques interventions du médecin, Frédéric Caton peut compter sur un métier certain.


Plutôt que de se laisser conduire par des sortilèges wilsoniens, Emmanuelle Bastet, à laquelle la maison nantaise confirme de saison en saison une fidélité constante, a préféré une inscription des sortilèges de Maeterlinck dans une cinématographique plus réaliste et bourgeoise – d’aucuns parleraient de climat hitchcockien. La lecture de la correspondance de Golaud offre ainsi un aperçu de la bourgeoise existence de la famille royale d’Allemonde, autour de la vaste table du dîner. Certes, la manière dont Pelléas et Mélisande jouent au pied de la fontaine aux aveugles en format miniature sortie d’un livre d’images d’Yniold frôle la transposition minimaliste et le désordre de la maison à l’image de celui de la jalousie de Golaud entretient des parentés marquées avec la conceptualité théâtrale. Mais la poésie des éclairages de François Thouret et de la scénographie de Tim Northam fait de certaines scènes parmi les plus représentatives de l’ouvrage des merveilles de délicatesse et d’inspiration, à l’instar du duo d’innocence et d’amour au pied de la tour ou dans la grotte, baignées d’ombres et de lunaire clarté dans le cadre de la fenêtre ou constellées d’étoiles.


Sans oublier les quelques interventions des forces chorales, il convient enfin de saluer la direction de Daniel Kawka, qui ne se perd jamais dans de supposées brumes debussystes pour livrer une lecture alerte et efficace de la partition où l’Orchestre national des Pays de la Loire démontre une maîtrise qui se bonifie au fil des soirées.



Gilles Charlassier

 

 

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