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Isolde sans Tristan

Paris
Opéra Bastille
04/08/2014 -  et 12, 17, 21, 25, 29 avril, 4 mai 2014
Richard Wagner : Tristan und Isolde
Robert Dean Smith (Tristan), Franz-Josef Selig (König Marke), Violeta Urmana (Isolde), Jochen Schmeckenbecher (Kurwenal), Janina Baechle (Brangäne), Raimund Nolte (Melot), Stanislas de Barbeyrac/Pavol Breslik* (Ein junger Seemann, Ein Hirt)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Patrick Marie Aubert (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction musicale)
Peter Sellars (mise en scène), Bill Viola (vidéo), Martin Pakledinaz (costumes), James F. Ingalls (éclairages)


R. D. Smith, V. Urmana, J. Baechle
(© Opéra national de Paris/Charles Duprat)



Après la minute de silence en hommage à Gerard Mortier, le Prélude de Tristan semble surgir du néant, plus émouvant que jamais. Il est vrai que Philippe Jordan est en grande forme, bras souple, direction fluide, très pensée aussi, qui tend l’arc. Une approche classique, refusant tout excès dans l’éruption, jamais neutre pour autant, jouant admirablement sur les timbres, en complicité avec un orchestre magnifique. A peine lui manque-t-il la sensualité de la nuit d’amour au deuxième acte, ses frémissements impressionnistes – là où un Salonen se montrait inimitable. La scène est à l’unisson de la fosse... à une exception près, de taille. Robert Dean Smith, en effet, ne passe pas la rampe et ce Tristan stylé, si humain, fait de plus en plus pâle figure. Ses confrères attendent souvent le troisième acte pour se révéler : lui s’y perd, l’orchestre ne pouvant à lui seul prendre en charge le délire du héros, si bien qu’on éprouve une étrange impression de vide.


Cela déséquilibre le couple, d’autant plus que Violeta Urmana, dont on craignait le pire après sa Leonora de La Force du destin, sa Santuzza et sa Gioconda, crée une fort heureuse surprise. Si la voix reste stridente, surtout dans l’aigu, elle a retrouvé une certaine homogénéité, tient bon jusqu’à un très beau Liebestod. A défaut de révéler, elle aussi, toute la sensualité lovée dans les phrases de la reine d’Irlande, la soprano lituanienne parvient à assouplir son émission pour les épanchements amoureux, alors que les éclats de colère lui arrachent des accents d’une violence ravageuse. La rondeur, la chaleur du timbre, on les trouve chez Janina Baechle, Brangaine insidieuse et protectrice, rien moins que sorcière ou maquerelle, qui déploie son mezzo en Liedersängerin sachant le poids des mots. Jochen Schmeckenbecher, lui, tranche sur les reîtres chenus que sont souvent les Kurwenal : avec une belle voix, un beau phrasé, l’écuyer a plus de noblesse que de rudesse. La noblesse, le roi Marke de Franz-Josef Selig l’incarne plus que jamais, dans le legato de sa plainte murmurée d’une voix encore mordorée. Quant au Marin et au Pâtre de Pavol Breslik, remplaçant Stanislas de Barbeyrac, c’est du luxe.


La mise en scène de Peter Sellars séduit toujours par l’éloquence de sa sobriété, son statisme habité – les marins, le Pâtre et le cor anglais placés en haut dans les loges continuent aussi de produire leur effet, comme l’arrivée de Marke, à la fin du premier acte, dans la salle inondée de lumière. Peu de gestes, mais forts, signifiants, pour des rapports d’autant plus complexes entre les personnages que Marke et Tristan ont une relation amoureuse – que la dernière reprise avait supprimée. Des carrés de lumière suffisent à créer un décor dans une pénombre éclairée par les vidéos contestables de Bill Viola. Va pour la mer – Tristan, après tout, est une traversée – comme élément primordial, dont le héros éprouve la nostalgie : au moment du duo d’amour, un jeune couple disparaît dans les flots. Va pour la forêt où l’on chasse à l’homme avec des torches. Mais pourquoi cet étrange rituel d’initiation au premier acte ? On se lasse aussi de ces corps immergés. Tout semble répétitif, systématique, ne s’inscrit pas si bien dans le temps musical, ni dans l’épure voulue par le metteur en scène, qui élude même le duel entre Melot et Tristan, ici suicidé dans le dos. Finalement, la vidéo distrait, affaiblit même le propos. La mise en scène lui est-elle si indissolublement liée ? Le vidéaste est, d’ailleurs, à la fin, assez chahuté. On retiendra plutôt ce duo chanté à genoux, dans une posture d’offrande, hymne à la nuit de l’amour infini.



Didier van Moere

 

 

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