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Mahler au régime sec Paris Salle Pleyel 04/02/2014 - et 3 avril 2014 Anton Webern : Langsamer Satz (orchestration Gerard Schwarz)
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 1 en ut majeur, opus 15
Gustav Mahler : Symphonie n° 4
Katija Dragojevic (mezzo), Radu Lupu (piano)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)
P. Järvi (© Ixi Chen)
Fabuleux Radu Lupu, qui semble chaque jour raffiner, quintessencier son jeu sans le désincarner, avec une main gauche toujours superbement timbrée. Le Premier Concerto de Beethoven, s’il révèle des couleurs sans cesse changeantes, garde sa juvénile fraîcheur, ne pèse jamais, n’associe jamais mièvrerie et délicatesse. Rien, en effet, n’est affadi : l’Allegro con brio, dans son développement, révèle des questionnements, des doutes ; après un Largo éthéré mais jamais décharné, le finale, tout en se gardant de toute précipitation, caracole gaiment. Pas de bis brillant : les « Einsame Blumen » des Scènes de la forêt de Schumann, où perce tout le mystère du romantisme allemand. Il n’est pas sûr, en revanche, que Paavo Järvi soit, pour Beethoven, le partenaire idéal : la direction cherche à alléger l’orchestre, où brille la petite harmonie, mais reste encore trop carrée, trop impérieuse.
Elle créé ensuite un malaise avec la Quatrième Symphonie de Mahler. Le chef, pourtant, a imposé à ses musiciens un travail en profondeur, les hissant ici au rang des meilleures phalanges, tous pupitres confondus – pour les solos citons au moins le violon de Roland Daugareil ou le cor d’André Cazalet. Les cordes ont plus de rondeur et d’homogénéité que dans le Langsamer Satz de Webern donné en ouverture du concert, initialement destiné à un quatuor à cordes et plutôt empâté par la transcription pour orchestre de Gerard Schwarz. Mais à force de scruter l’œuvre dans ses moindres détails, de viser à une lecture quasi radiographique, la direction pèche par un excès d’horizontalité, comme si elle ne dégageait guère qu’une superposition de lignes, par une tendance à la fragmentation aussi. Certains effets exagérés, du coup, tel ou tel rubato, tel ou tel glissando, surprennent plus qu’ils ne convainquent, peu compatibles avec cette lecture au microscope.
Bref, on perd beaucoup en spontanéité, en liberté de respiration, en inspiration surtout, ce qu’on gagne en fluidité. Si le premier mouvement résiste assez bien, le Scherzo ne grince pas assez et le Poco adagio ennuie – la lenteur relative du tempo n’est pas habitée. Il est toujours délicat de confier le lied final à une mezzo, sauf à avoir une grande souplesse d’émission pour assumer les aigus pianissimo et une tessiture souvent cantonnée dans le haut médium – sans parler de la fraîcheur du timbre. On l’a malheureusement vérifié avec Katija Dragojevic, très honnête, mais trop tendue et trop sèche, très loin de la voix d’ange ou d’enfant attendue.
Didier van Moere
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