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Vous avez dit «Kapellmeister»? Paris Salle Pleyel 03/12/2014 - et 13* mars 2014 Richard Strauss : Tod und Verklärung, opus 24 – Metamorphosen
Franz Schubert : Symphonie n° 8 «Inachevée», D. 759
Orchestre de Paris, Marek Janowski (direction)
M. Janowski
Invité régulier de l’Orchestre de Paris depuis 2004, Marek Janowski, qui a fêté son soixante-quinzième anniversaire le 18 février, y fait un retour prometteur, comme toujours, d’autant qu’il avait prévu de le consacrer intégralement à R. Strauss. L’annulation, pour raisons de santé, de la participation de la soprano Anja Harteros, qui devait chanter les Quatre derniers lieder et la scène finale de Capriccio, a toutefois perturbé le bel ordonnancement de ces deux soirées, devenues passablement bancales avec le remplacement de ces deux pages vocales par l’«Inachevée», au demeurant déjà dirigée par le chef allemand à l’occasion d’une de ses précédentes venues (décembre 2004).
Pourquoi ne pas avoir pensé à un autre poème symphonique straussien ou à une Suite de valses du Chevalier à la rose? N’entretenant pas le moindre rapport avec les deux autres œuvres, la symphonie de Schubert présente en outre l’inconvénient d’avoir sensiblement la même durée, de telle sorte que leur répartition de part et d’autre de l’entracte est nécessairement déséquilibrée, la solution retenue semblant essentiellement de nature à faciliter le changement de plateau, qui intervient durant la pause, et à permettre aux musiciens de rentrer chez eux plus tôt dans cette sorte de Symphonie des Adieux où l’effectif, au fil du programme, passe de quatre-vingt-quatorze à vingt-trois.
Devant un public relativement clairsemé (mais qui ne manquera pas d’applaudir entre les deux mouvements de la symphonie), Janowski donne Mort et Transfiguration (1888), comme en mars 2001 avec le Philharmonique de Dresde, en en mars 2010 avec l’Orchestre de Paris et en mars 2012 avec l’Orchestre symphonique de la Radio de Berlin (où, en poste depuis 2002, il a été élevé en 2008 au rang de «directeur musical à vie»). A la tête d’une masse considérable de cordes (soixante-sept, grâce à la présence d’élèves du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris), il impose son style coutumier, sans la moindre complaisance, mais n’évite pas toujours les chutes de tension et ne parvient pas toujours à faire ressortir clairement la polyphonie.
Si réussir l’«Inachevée» consiste à parvenir à faire oublier qu’elle est restée... inachevée, car elle ne l’a été que pour des raisons contingentes et que, écrite six ans avant le décès du compositeur, elle ne constitue en rien son chant du cygne, Janowski y arrive à la perfection. Avec un orchestre tout juste allégé d’un pupitre par partie, il l’expurge de toute fioriture ou sentimentalisme pour la ramener à ce qu’elle est objectivement: une étape dans le processus de création symphonique de Schubert, qui trouvera son aboutissement dans les Neuvième et Dixième – cette dernière, pour le coup, réellement interrompue par la mort.
Retour à Strauss après l’entracte, avec des Métamorphoses (1945) sans surenchère ni alanguissement, plus sereines, combattives et expressives que tragiques, servies par des cordes d’une belle cohésion et par un sens de la construction qui ménage, dans cette pièce d’un seul tenant, des progressions aussi intenses qu’admirablement conduites. Non, décidément, Janowski, salué par de nombreux rappels et des applaudissements prolongés, à commencer par ceux des musiciens, n’est pas ce Kapellmeister raide et sérieux que d’aucuns, malgré son long et fructueux mandat au Philharmonique de Radio France (1984-2000), continuent à brocarder.
Simon Corley
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