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Rien de Tell qu’un excellent concert

Bruxelles
La Monnaie
03/02/2014 -  et 5, 9*, 11 mars 2014
Gioacchino Rossini: Guillaume Tell (version originale)
Nicola Alaimo (Guillaume Tell), Nora Gubisch (Hedwige), Ilse Eerens (Jemmy), Ermonela Jaho (Mathilde), Michael Spyres (Arnold), Jean Teitgen (Melcthal), Vincent Le Texier (Gesler), Marco Spotti (Walter Furst), Julien Dran (Ruodi), Jean-Luc Ballestra (Leuthold), Roberto Covatta (Rodolphe)
Vocaal Ensemble Reflection, Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Evelino Pidò (direction)




Le plaisir est de nouveau au rendez-vous. Un an après un mémorable Roméo et Juliette de Gounod, Evelino Pidò retrouve l’Orchestre symphonique de la Monnaie dans un opéra en version de concert, cette fois au théâtre, comme pour Otello de Rossini en 2012, et non dans la Salle Henry Le Bœuf. La taille de la scène paraît tout juste suffisante pour que prennent place les forces orchestrales, chorales et solistes nécessaires à Guillaume Tell (1829) mais cette promiscuité renforce paradoxalement la dimension spectaculaire du dernier opéra du compositeur tout en renforçant l’intimité de certains épisodes de cette fresque haletante.


Le volume sonore de l’orchestre s’avère, certes, considérable, plus important, en tout cas, que lorsqu’il joue dans la fosse, mais le chef, spécialiste de ce répertoire, respecte l’équilibre avec les chanteurs, contrôle la puissance, peaufine les contrastes qu’il marque franchement mais sans brutalité. Les quatre actes se déroulent sans que la tension ne se relâche, même durant les numéros de danse qui rendent, au contraire, cet opéra si palpitant et varié. L’orchestre délivre quatre heures durant une prestation d’une force de conviction peu commune et d’un fini instrumental somptueux – il règne entre les pupitres une cohésion impeccable, chacun d’eux rivalisant de précision et d’expressivité. Les musiciens affichent rarement un niveau aussi élevé, même durant leur meilleurs jours: cordes malléables et unies, bois acérés et éloquents, cuivres ardents et évocateurs, percussions assurées et implacables. Vivement qu’Evelino Pidò revienne la saison prochaine. Les choristes se couvrent également de gloire: minutieusement préparés, ils suscitent l’enthousiasme grâce à l’agrégation ordonnée des timbres, à la précision tant des attaques que de la dynamique et à la plénitude de l’émission. La Monnaie peut s’enorgueillir de disposer d’un chef des chœurs de l’envergure de Martino Faggiani.


Cette production repose également sur une distribution sans faille. Le rôle-titre revient à Nicola Alaimo, qui l’a interprété au Rossini Festival Opera et qui, contrairement à d’autres chanteurs présents à cette occasion, le chante donc sans la partition. La physionomie du baryton, qui compose son personnage avec justesse, en conciliant héroïsme et humanité, impressionne autant que la voix, ample et puissante. Nora Gubisch apporte son mezzo grave, charnu et velouté au personnage d’Hedwige, épouse de Guillaume Tell à laquelle elle confère une inamovible stature. Soprano au timbre cristallin, Ilse Eerens incarne, pour sa part, un Jemmy parfait de courage et d’innocence. La voix fine mais résistante de cette native de Maasmechelen, qui participera, dans quelques semaines, à la création d’Au monde de Philippe Boesmans, s’impose dans les tutti sans rencontrer d’obstacle. Distribuée dans le rôle de Mathilde, Ermonela Jaho suscite en revanche un sentiment mitigé. La soprano albanaise, dont l’identité vocale s’avère extrêmement différente, et heureusement, de celle d’Ilse Eerens, dispose de moyens considérables et d’un timbre merveilleux mais elle adopte des maniérismes qui rendent son interprétation moins poignante que celle des autres chanteurs.


Michael Spyres livre en Arnold une prestation phénoménale. Ce ténor d’exception et charismatique déploie un chant superlatif sur toute la tessiture, nourri dans le medium, éclatant dans l’aigu, déploie des phrasés somptueux et assure une émission impeccable, toujours naturelle, jamais forcée. Que Peter de Caluwe pense à lui lors des prochaines saisons! Le reste de la distribution engrange elle aussi des bons points: Melcthal sépulcral de Jean Teitgen, Gesler odieux et tout d’un bloc de Vincent Le Texier, qui privilégie toutefois la puissance au détriment du relief, Walter Furst inaltérable de Marco Spotti, Leuthold massif de Jean-Luc Ballestra et Rodolphe (idéalement) affreux de Roberto Covatta dont la voix, nasale, vibre toutefois assez peu. Julien Dran signe, quant à lui, un Ruodi hautement stylé: voix pleine de vertus, aux aigus ouverts et soigneusement tenue. A quelques exceptions près, la diction des chanteurs mérite d’être saluée.


Avant que ce concert d’anthologie ne débute, Evelino Pidò a invité le public à respecter une minute de silence à la mémoire de Gerard Mortier , décédé le jour même et qui a dirigé le théâtre de 1981 à 1991 en le marquant durablement de son empreinte.



Sébastien Foucart

 

 

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