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Requiem anti-guerre

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
11/14/2013 -  et 15 novembre 2013
Arvo Pärt : Cantus in memoriam Benjamin Britten
Benjamin Britten : War Requiem, opus 66

Svetlana Ignatovitch (soprano), Jeremy Ovenden (ténor), Hanno Müller-Brachmann (baryton) Chœur de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, Maîtrise de garçons de Colmar, Orchestre philharmonique de Strasbourg, John Nelson (direction)


J. Nelson (© Marco Borggreve)


Difficile d’imaginer personnalité plus idéale que John Nelson, surtout à ce stade de sa carrière, pour embrasser l’ampleur humaniste du War Requiem de Britten. Le chef américain à la fois empoigne la partition avec une vigueur constante et puis lui laisse vraiment le temps d’exhaler sa violence contenue, sa spiritualité teintée d’amertume voire de fatalisme noir. Une lecture d’une lenteur notable, prodigieusement dense, qui parvient à faire oublier les efforts de mise au point probablement lourds qu’elle a dû occasionner.


Un très gros effort du côté du Chœur de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, toujours sous la direction de Catherine Bolzinger. Cette formation d’amateurs de bon niveau, qui fête cette saison ses dix années d’existence, parvient à bien défendre une écriture souvent tendue, voire ardue du fait des efforts de justesse et d’écoute mutuelle qu’elle requiert. L’implication est totale, de même que l’on reste ébahi de la qualité actuelle de la Maîtrise de garçons de Colmar, placée en hauteur dans la salle du Palais de la Musique de Strasbourg mais qui s'exprime cependant avec une remarquable rectitude d’intonation dès qu’Arlette Steyer sollicite ces très jeunes éléments d’une battue impérieuse.


Moins de précision, dans l’absolu, du côté de John Nelson, avec çà et là quelques flottements dans des zones de l’orchestre parfois exposées à découvert. Mais au cours de ce concert l’émotion prend nettement le pas sur ces contingences. On soulignera en revanche la virtuosité du petit ensemble de chambre prévu par Britten pour accompagner les deux solistes masculins, placé complètement sur la gauche du plateau et où on a rassemblé à dessein les meilleurs éléments de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg.


La soprano russe Svetlana Ignatovitch, accourue à la rescousse suite à la défection de dernière minute de Nataliya Kovalova, souffrante, s'investit dans sa partie avec énormément d’engagement. Mais le rayonnement de son chant paraît entravé par un environnement acoustique ingrat, derrière l’orchestre, juste devant les chœurs (positionnement logique, la soprano assurant la partie la plus «liturgique» de ce Requiem, mais qu’il aurait peut-être fallu revoir). Le Sanctus est d’une intensité étonnante, la chanteuse semblant cependant y dépenser des trésors de souffle à fonds perdus. Le Britannique Jeremy Ovenden assume sans problème la partie de ténor écrite sur mesure pour Peter Pears, avec une voix moins blanche mais d’école similaire, et surtout sans affectation inutile. Le baryton Hanno Müller-Brachmann, dont l’anglais sonne avec une rigueur voire une raideur allemandes immédiatement reconnaissables, mais de bon aloi, détaille quant à lui les textes de Wilfred Owen avec une clarté et une puissance bien en situation. Signalons aussi la belle harmonie qui règne entre ces deux voix masculines, au service d’une totale expressivité (la violence du duo situé juste avant la reprise du «Dies irae» donne le frisson). Distribution de solistes par ailleurs strictement idiomatique, qui respecte les trois nationalités (russe, anglaise et allemande) symboliquement prévues par le compositeur.


Avant ce War Requiem, John Nelson propose l’assez souvent joué Cantus in memoriam Benjamin Britten d’Arvo Pärt. Le dépouillement de cette musique, long exposé d’une texture de cordes sur quelque accords, paraît doublement pertinent. A la fois esthétiquement et puis aussi, tout simplement, afin de mettre le public en condition, de lui imposer une sorte de sas entre la vie courante - stress d’horaire, téléphones portables tout juste éteints - et la grande méditation brittenienne. Un concert dont on sort émotionnellement touché, ce qui est bien le but recherché.



Laurent Barthel

 

 

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