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Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/06/2014 -  
Henri Dutilleux : Symphonie n° 2 «Le Double»
Camille Saint-Saëns : Concerto pour piano et orchestre n° 2, en sol mineur, opus 22
Emmanuel Chabrier : Bourrée fantasque – Espana

Cédric Tiberghien (piano)
Orchestre national de France, Ludovic Morlot (direction)


L. Morlot (© Sussie Ahlburg)


On reproche suffisamment à nos orchestres de ne pas défendre notre patrimoine musical pour ne pas se féliciter, ce soir, de voir le National donner un programme exclusivement dédié à la musique française. Excellente initiative qui, malheureusement, n’aura pas été totalement suivie par le public puisqu’une partie non négligeable du Théâtre des Champs-Elysées était vide: pour autant, que l’Orchestre et l’équipe du Théâtre ne désespèrent pas et, bien au contraire, persévèrent dans cette politique quelque peu audacieuse puisque débutant par une symphonie d’Henri Dutilleux, récemment disparu.


Les liens entre l’un des plus grands compositeurs français du XXe siècle et le National de France sont intenses puisque c’est ce même orchestre qui assura, sous la direction de Kurt Masur, la création française de Correspondances puis, sous celle de Seiji Ozawa, la création mondiale cette fois-ci de la version intégrale de Le temps L’horloge sans oublier, en novembre 1985, la création de L’Arbre des songes sous la direction de Lorin Maazel. Créée par Charles Munch à la tête de l’Orchestre symphonique de Boston en 1959, la Deuxième Symphonie de Dutilleux oppose, en même temps qu’elle les entremêle, deux orchestres: à l’habituel orchestre symphonique répond ainsi un ensemble de douze instrumentistes solistes placés en demi-cercle autour du chef. Or, là est toute la difficulté: jusqu’à quel point doit-on entendre une symbiose entre les deux et jusqu’où peuvent-ils, et même doivent-ils se différencier? Le chef français Ludovic Morlot, ancien assistant de Seiji Ozawa et de James Levine à Boston, réputé comme chef lyrique et interprète avisé de la musique française (on avait notamment apprécié à ce titre le concert Poulenc-Ravel qu’il avait dirigé à la tête du National voilà un peu plus de deux ans) a, ce soir, très clairement choisi la fusion. Ainsi, dès les premières notes de l’envoûtant motif confié à la clarinette (excellent Bruno Bonansea) dans le premier mouvement, Morlot dirige l’ensemble de façon globale, l’ensemble de solistes ne se différenciant pas assez de l’orchestre placé derrière; de fait, certains instruments (à commencer par le célesta et le clavecin) n’émergent que rarement au milieu de ces motifs qui, en plus d’une occasion, rappellent le Concerto pour orchestre de Bartók. Les langoureuses mélopées de l’Andantino sostenuto sont très bien interprétées par les cordes de l’orchestre (de même dans le troisième mouvement) mais on regrette également que le chef ne laisse pas davantage de liberté aux instrumentistes qui, en bénéficiant d’une petite dose de rubato, auraient ainsi pu mieux valoriser une partition qui, depuis sa création voilà près de cinquante-cinq ans, n’a rien perdu ni de son charme, ni de sa modernité.

Le Deuxième Concerto pour piano (1868) de Saint-Saëns a beau jouir d’une certaine popularité, il n’en demeure pas moins qu’il est assez rarement interprété, le National ne l’ayant pas joué, sauf erreur, depuis mai 2008 sous la direction de Fabien Gabel, la pianiste étant alors Racha Arodaky. Et pourtant, quel concerto, le premier mouvement affichant de vraies parentés avec le Premier Concerto de Brahms, le deuxième se voulant plus espiègle avant que la tarentelle du finale ne conclue l’œuvre sur des mélodies totalement étourdissantes! Cédric Tiberghien, qui a encore récemment joué ce concerto avec Louis Langrée (celui-ci dirigeait alors l’Orchestre symphonique de Cincinnati), fut tout à fait extraordinaire. Dès la longue introduction dévolue au soliste, il impose son jeu grave et recueilli, l’orchestre se mettant immédiatement au diapason du climat instauré par le jeune pianiste. Et dans ce dialogue intense, c’est bien Tiberghien qui conduit l’ensemble, Morlot étant plus d’une fois à la remorque du soliste qui, dans le troisième mouvement, a notamment tout fait pour accélérer un peu le rythme choisi par le chef. La technique est impeccable et la musicalité, que l’on remarque notamment dans plusieurs passages de l’Andante sostenuto, tout aussi renversante.


Après avoir triomphalement achevé le concerto (Daniele Gatti, convalescent mais présent au premier rang de la corbeille, n’étant pas le dernier à saluer la performance du soliste), Cédric Tiberghien offrit au public un non moins impressionnant Alborada del gracioso (1905), qui servit de parfaite transition avec les deux pièces qui concluaient ce concert. Ravel professait en effet une vraie admiration pour Chabrier, ayant d’ailleurs composé une pièce pour deux pianos intitulée A la manière de Chabrier (1913)... Car, l’Orchestre national de France avait donc inscrit au programme deux œuvres miroirs là aussi, pour reprendre un terme cher à Ravel et à Dutilleux, puisque la Bourrée fantasque (1891) et Espana (1882-1883) offrent de multiples parentés dans les sonorités et le jeu des instruments (les pizzicati des violoncelles par exemple). L’orchestre s’amuse visiblement même s’il s’avère quelque peu bridé dans son élan par Ludovic Morlot, Espana ne bénéficiant pas totalement des couleurs éclatantes que lui a dessinées Chabrier. On verra bien, dans une semaine, comment se comportera l’orchestre lorsqu’il retrouvera à sa tête Riccardo Muti qui, on s’en souvient, avait magistralement dirigé cette même œuvre en janvier 2010 lors d’un fantastique concert du National consacré cette fois-ci à la musique espagnole. En tout état de cause, et en dépit de nos réserves sur ce programme original mais fort bien construit, voilà une belle entrée en matière pour les festivités destinées à célébrer le quatre-vingtième anniversaire de l’Orchestre!


Le site de Ludovic Morlot



Sébastien Gauthier

 

 

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