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Semaine d’anxiété au Festspielhaus

Baden-Baden
Festspielhaus
02/28/2014 -  
Giuseppe Verdi : Airs, duos et pièces symphoniques extraits de Nabucco, La traviata, La forza del destino, Aida et Otello
Angela Gheorghiu (soprano), Zoran Todorovich (ténor)
Orchester der Deutschen Oper Berlin, Ivan Repusic (direction)


A. Gheorghiu, I. Repusic (© Michael Gregonowits)


Le gala annuel des Amis du Festival de Baden-Baden est toujours une soirée d’importance stratégique. C’est là que le Festspielhaus, constamment en quête de subsides supplémentaires pour continuer à exister en tant que fondation privée, fidélise son réseau de mécènes et de donateurs. Et cette année l'événement s’annonce aussi très attrayant sur le plan artistique : la soprano Anja Harteros, le ténor Johan Botha et l’Orchestre du Deutsche Oper de Berlin dirigé par Donald Runnicles, pour un concert intégralement consacré à Verdi.


Mais la vie d’intendant d’un grand festival n’est jamais facile et Andreas Mölich Zebhauser, qui occupe ce poste à Baden-Baden quasiment depuis la fondation du Festspielhaus, a pu le constater douloureusement à l’occasion de ce concert, programmé un vendredi soir. Qu’on en juge plutôt. Le mardi soir précédent Anja Harteros téléphone : «Ma bronchite n’est toujours pas rétablie, impossible de chanter vendredi» ! Le lendemain, appel de Johan Botha : «Si Anja Harteros est remplacée par une autre soprano, le programme de duos prévu ne coïncidera plus avec mon répertoire verdien actuel, donc je préfère me retirer !». Et le jeudi, c’est enfin Donald Runnicles qui annonce qu’il doit rentrer en Californie d’urgence, pour raisons familiales. A ce stade le navire commence sérieusement à prendre l’eau !


Mais l’équipe dirigeante travaille d’arrache-pied pendant toute cette période et finalement c’est toujours un gala Verdi que le public peut découvrir en arrivant, mais avec à l’affiche la soprano Angela Gheorghiu, le ténor Zoran Todorovitch, et un jeune chef du Deutsche Oper de Berlin, Ivan Repusic! L’aspect exceptionnel de la manifestation a pu être relativement préservé, même si une frange marginale du public ne paraît pas d’extrêmement bonne humeur en ouvrant son programme, il est vrai complètement chamboulé.


Voir arriver sur scène Angela Gheorghiu alors qu’on y attendait Anja Harteros peut effectivement constituer une sorte de choc. Deux stars du chant, certes, mais nullement interchangeables. Créditons en tout cas Angela Gheorghiu d’un bon contact immédiat avec la salle, même si ses manières de diva gentiment caricaturales nous ramènent à une conception de l’opéra qui semble avoir pris tout à coup un terrible coup de vieux. En première partie, les choix sont prudents : un Ave Maria d’Otello et un Addio del passato de La Traviata où la voix est moins sollicitée que des aptitudes mélodramatiques qui paraissent relativement outrées, du moins pour un concert. Après l’entracte Elisabetta de Don Carlo paraît dépasser quelque peu les moyens d’une soprano qui n’a jamais été à proprement parler une lirico-spinto verdienne : Tu che la vanita manque d’appuis stables sur les premières phrases, pas très justes de surcroît, mais ensuite la situation s’améliore. Dans le duo du premier acte d’Otello , Gheorghiu est en revanche à son meilleur, avec une voix opulente qui se pare de très belles couleurs. En bis, un tonitruant Granada, chanson d’habitude plutôt monopolisée par les ténors, permet à la diva roumaine d’achever de mettre la salle dans sa poche. Remercions la en tout cas vivement d’avoir accepté de sauver cette soirée, 48 heures à peine avant le début du concert.


D’une moindre notoriété le ténor serbe Zoran Todorovitch n’en est pas pour autant présent pour jouer simplement les utilités. Dotés d’une voix brillante et puissante, son Otello et son Alvaro de La Force du destin sont d’une substantielle densité dramatique. Malheureusement un manque chronique de contrôle de la quinte aigüe, émise trop fort et pas toujours juste, vient quelque peu gâcher le tableau. Ce sont là des défauts que l’on a toujours connus à ce ténor par ailleurs valeureux, et qui ont sans doute handicapé sa carrière. Cela dit ce chant très franc, qui paye comptant, n’est pas du tout négligeable, et dans Vesti la giubba de Paillasse, accordé en bis, il est même très émouvant.


Comme tous les orchestres de théâtres de répertoire allemands, celui du Deutsche Oper de Berlin est habitué à jouer avec peu de répétitions préalables voire aucune. Ce professionnalisme tombe à pic, même si le jeune Ivan Repusic, parvient quand même à imposer sa marque à quelques pièces verdiennes dirigées avec une énergie bien sentie : l’Ouverture de Nabucco, le Prélude d’Aïda, celui du troisième acte de La Traviata et l’indispensable Ouverture de La Force du destin. Une curiosité, quand même, la musique de ballet du troisième acte d’Otello, en général coupée, et pour cause : en effet l’orientalisme de bazar de cette musique, qui n’a rien à envier à la Bacchanale de Samson et Dalila, paraît assez difficilement défendable aujourd’hui.


Un dernier bis, le célèbre Brindisi de La Traviata, avec claquements de mains du public en mesure (une nouvelle tendance, apparemment), achève de donner à cette soirée un côté ludique et bon enfant qui n’était peut-être pas tout à fait prévu ainsi. De son côté, la direction du Festspielhaus peut pousser un gros soupir de soulagement !



Laurent Barthel

 

 

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