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Dédié à Patrice Chéreau Paris Théâtre du Palais-Royal 02/24/2014 - Franz Schubert : Der Wanderer, D. 489 – Der Zwerg, D. 771 – Du bist die Ruh’, D. 776 – Die junge Nonne, D. 828
Robert Schumann : Frauenliebe und -leben, opus 42
Gustav Mahler : Des Knaben Wunderhorn: «Des Antonius von Padua Fischpredigt», «Rheinlegendchen» & «Wo die shönen Trompeten blasen» – Rückert-Lieder
Waltraud Meier (soprano), Joseph Breinl (piano)
W. Meier (© Nomi Baumgartl)
Dédié à la mémoire de Patrice Chéreau, dont Waltraud Meier a été lors du dernier festival d’Aix-en-Provence l’interprète de Clytemnestre d’Elektra (voir ici) et avant cela d’Isolde à Milan, de Marie de Wozzeck au Châtelet, ce récital de lieder a réuni autour de la soprano allemande tout un public chaleureux d’admirateurs dans le cadre intimiste du Théâtre du Palais-Royal pour une première saison de récitals. Quoique devenu soudainement plus bavarde à la fin du récital officiel pour annoncer un joli bouquets de bis, Waltraud Meier a choisi de ne pas s’exprimer sur cet hommage simplement mentionné en tête du programme. Mais le cœur et la chaleur y étaient, tous ses admirateurs se confondaient avec ceux de Patrice Chéreau dans une communion parfaite autour d’un programme parfaitement équilibré, formidable promenade dans l’univers du lied romantique allemand avec, aux deux extrémités du spectre, Mozart et Wagner généreusement offerts à la fin du récital.
Si quelques tentatives de la part des «Concerts Rares» d’utiliser pour des récitals de chant le Théâtre du Palais-Royal, salle au confort très relatif, mais dont les proportions garantissent une proximité idéale avec les chanteurs et à l’acoustique très satisfaisante pour cet exercice, une première vraie saison s’y déroule depuis novembre avec des partenaires aussi variés que l’Institut Goethe, l’Hôtel Meurice et la chaîne LCI. Le choix du nom de «Lundis musicaux» n’est pas sans rappeler une expérience inoubliable des années 1980 au Théâtre de l’Athénée, dont la consultation de la liste des interprètes y ayant participé donne aujourd’hui rétrospectivement le vertige.
Waltraud Meier, qui chante sur scène encore aujourd’hui de lourds rôles dramatiques du répertoire lyrique et dont les récitals de ce type sont plutôt une exception dans son calendrier, a un peu de mal à plier sa grande voix aux contraintes du chant en mezza voce et à tous les petits pièges techniques que posent les compositeurs de ces vignettes dans lesquelles en trois ou quatre minutes tout un univers doit être créé et développé. Mais, en grande artiste, musicienne et femme de théâtre accomplie, elle réussit ce tour de force. Quatre lieder de Schubert, c’est peu pour chauffer la voix surtout avec un choix aussi exigeant que Du bist die Ruh’, qui est l’épreuve suprême pour le souffle, Der Zwerg, bouleversante ballade dans laquelle il faut d’emblée installer tout un théâtre, tout comme dans Le Roi des aulnes, donné en bis, mais d’une façon beaucoup moins dramatique pour un sujet d’une tristesse infinie. Der Wanderer et Die junge Nonne posent aussi à l’interprète leur lot d’épineux problèmes.
Mais dès l’attaque du cycle L’Amour et la Vie d’une femme de Schumann, on est dans le récit, la voix s’épanouit tout en restant dans le domaine restreint du chant intime, pour donner à ces huit lieder toute leur saveur romantique. Mahler, bien que privé des couleurs de l’orchestre réduit à son simple accompagnement de piano (un rien sec et guindé de Joseph Breinl), permet à cette voix de grande tessiture de déployer toute une gamme d’émotion des Wunderhorn-Lieder, bien choisis aussi, avec de l’humour du «Prêche de Saint-Antoine aux poissons» et de la «Petite légende du Rhin» au recueillement de «Wo die schönen Trompeten blasen», jusqu’au tragique des cinq Rückert-Lieder, la meilleure partie de ce récital.
Troisième partie, on l’a dit, assez généreuse, avec une chanteuse soudain plus détendue et communiquant avec l’humour et le raffinement de Als Luise die Briefe ihres ungetreuen Liebhabers verbrannte de Mozart, une plongée romantique de nouveau avec les couleurs si graves de «Von ewiger Liebe» de Brahms, le théâtre du Roi des aulnes, formidablement mis en scène, et, pour finir, «Schmerzen» de Wagner, la voix totalement déployée, probablement le plus direct hommage à Patrice Chéreau avec qui elle avait réalisé au Louvre en 2010 un concert scénique sur les Wesendonck-Lieder.
Le site de Waltraud Meier
Olivier Brunel
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