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La Fanciulla rate son entrée à l’Opéra Paris Opéra Bastille 02/01/2014 - et 4, 7, 10, 13, 16, 19, 22, 25, 28 février 2014 Giacomo Puccini : La fanciulla del West Nina Stemme (Minnie), Claudio Sgura (Jack Rance), Marco Berti (Dick Johnson), Roman Sadnik (Nick), Andrea Mastroni (Ashby), André Heyboer (Sonora), Emanuele Giannino (Trin), Roberto Accurso (Sid), Igor Gnidii (Bello), Eric Huchet (Harry), Rodolphe Briand (Joe), Enrico Marabelli (Happy), Wenwei Zhang (Larkens), Ugo Rabec (Billy Jackrabbit), Anna Pennisi (Wowkle), Alexandre Duhamel (Jake Wallace), Matteo Peirone (José Castro), Olivier Berg (Un postiglione), Daejin Bang (Un baritono)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Carlo Rizzi (direction musicale)
Nikolaus Lehnhoff (mise en scène)
C. Sgura, N. Stemme (© Opéra national de Paris/Charles Duprat )
La Fille du Far West, c’est le western de Puccini, réponse à une commande du Met, créé en 1910 par Toscanini, Emmy Destinn et Caruso... Une bonne fille, la Minnie, qui tient un saloon où elle lit la Bible aux chercheurs d’or dont elle est un peu la madone protectrice. Intouchable aussi, sauf pour son bandit, qu’elle joue au poker – en trichant – avec le sheriff dont elle repousse les avances. Intrépide, donc : quand le bandit doit être pendu, elle invite la meute au pardon et part pour une autre vie avec l’élu de son cœur.
Pour sa première Fanciulla, l’Opéra de Paris a importé d’Amsterdam la production de Nikolaus Lehnhoff, connue par le DVD. Malheureuse initiative. Certes le metteur en scène allemand veut éviter le kitsch. Ou, plutôt, il veut le prendre au second degré. Des billets de banque remplacent l’or : Wall Street au début, coupure de vingt dollars avec Maison blanche à la fin. Le saloon relève plutôt de la boîte branchée cuir. Minnie, très midinette, habite une caravane rose fuchsia où elle a encore ses peluches. Cimetière de voitures au troisième acte, qui s’achève sur une espèce de cérémonie des oscars à la gloire de la Metro Goldwyn Mayer : Minnie et Dick se réincarnent en couple de stars hollywoodiennes. La ruée vers l’or se mue en rêve américain. La production, malheureusement, ne va pas assez loin dans ce second degré : ces transpositions ne se suffisent pas à elles-mêmes. Et comme on y trouve plus de raideur que d’humour, elle tombe dans le travers qu’elle voulait dénoncer : en un mot, elle devient ridicule, surtout à la fin du troisième acte – alors que la chasse à l’homme, assez réussie, vient de nous rappeler ce dont Nikolaus Lehnhoff est capable quand il prend les choses au sérieux. Sans doute s’est-il risqué dans un registre qui n’est pas le sien.
Musicalement, c’est loin d’être idéal. L’opéra de Puccini a toujours séduit, au-delà des subtilités de l’instrumentation, par ses audaces modernistes : harmonies atypiques, affranchissement très poussé de la division traditionnelle en numéros – presque de la « mélodie continue ». Pour que la chose tienne, il faut un grand chef, plus encore que pour Tosca, Bohème ou Butterfly. Carlo Rizzi dirige lourdement un orchestre paresseux, ne tend pas l’arc et ennuie beaucoup malgré quelques bons moments – le début du troisième acte, par exemple. Si les seconds rôles sont assez bien caractérisés, comme l’Ashby d’Andrea Mastroni ou la Wowkle d’Anna Pennisi, les protagonistes s’avèrent inégaux. A commencer par Nina Stemme, sans doute égarée dans ce répertoire, dardant ses aigus triomphants comme ceux de la colère d’Isolde, trop froide de timbre, trahissant un vibrato trop large, en tout cas le jour de la première : reste heureusement la force de la composition, d’autant plus méritoire dans un tel contexte. Marco Berti, fidèle à lui-même, assume en stentor la tessiture tendue d’un Dick très brut de décoffrage, pas déshonorant non plus. La bonne surprise, finalement, viendrait de Claudio Sgura, pourtant si plat en Barnaba de La Gioconda : il a belle voix et belle allure, évite surtout la caricature pour incarner ce Scarpia du grand Ouest. Tous trois triomphent, le chef est passablement chahuté et le metteur en scène franchement hué.
Gageons que la énième reprise de Madame Butterfly, moins risquée il est vrai, nous rendra bientôt plus heureux.
Didier van Moere
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