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Un Offenbach aérien Lausanne
Opéra
01/17/2014 - et 30, 31 décembre 2013, 3, 5, 10 (Fribourg), 19 (Lausanne), 26 (Bulle) janvier 2014
Jacques Offenbach : Le Voyage dans la Lune
Jennifer Tani/Marlène Assayag* (Le prince Caprice), Magali Arnault Stanczak (La princesse Fantasia), Christophe Lacassagne (Le roi V'lan), Jean-Claude Sarragosse (Le roi Cosmos), Eric Vignau (Microscope), Hermine Huguenel (La reine Popotte), Jonathan Spicher (Le prince Quipasseparla), Joelle Delley Zhao (Flamma), Michel Muelhauser (Cactus), Salomé Zangerl (Adja), Simon Tournier (Le commissaire)
Chœur de l'Opéra de Fribourg, Pierre-Fabien Roubaty (préparation), Inna Petcheniouk (chef de chant), Orchestre de chambre fribourgeois, Laurent Gendre (direction musicale)
Olivier Desbordes (mise en scène), Sabine Montcoudiol (assistante à la mise en scène), David Belugou (décors), Jean-Michel Angays, Stéphane Laverne (costumes), François Gendre (lumières)
(© Alain Wicht/Opéra de Fribourg)
L'Opéra de Fribourg a uni ses forces à Lausanne et à Saint-Céré pour présenter une nouvelle production du Voyage dans la Lune d'Offenbach particulièrement inventive et enlevée, pétillante et humoristique. L'œuvre, un opéra bouffe-féerie créé en octobre 1875 à Paris, fait partie de la deuxième période créatrice du compositeur – la poésie des Contes d’Hoffmann y est bien présente – et s'inspire largement de De la Terre à la Lune de Jules Verne, paru dix ans plus tôt. Fatigué de régner, le roi V'lan souhaite remettre sa couronne à son fils le prince Caprice, qui refuse catégoriquement et demande « la lune » à son père. Le savant Microscope est chargé de fabriquer un obus qui doit mener le roi, le prince et lui-même à bon port. Arrivés à destination, les trois personnages découvrent un monde à l'opposé de la terre, où l'amour n'existe pas et où les femmes sont considérées comme des objets, que l’on vend au marché. Mais le prince réussira à se faire aimer d'une jeune et jolie habitante de la lune.
Le metteur en scène Olivier Desbordes (fondateur du Festival de Saint-Céré) a largement réécrit les dialogues pour les mettre au goût du jour, avec notamment maintes références à la politique française et aux affaires de cœur qui secouent actuellement l'Elysée, sans jamais pour autant tomber dans la lourdeur ni la vulgarité. De surcroît, les magnifiques costumes colorés de Jean-Michel Angays et Stéphane Laverne sont un régal pour les yeux.
La première partie du spectacle se déroule sur terre à la fin du XIXe siècle, dans une société figée et corsetée, mais où le progrès scientifique est omniprésent, avec la naissance de l'électricité et du cinéma ainsi que la découverte de nouveaux pays. Le voyage dure un siècle et transporte les trois intrépides dans les années 1950-1960, dans un monde consumériste (le plateau est rempli de nombreux appareils ménagers géants) où les dangers menacent, sous forme notamment d'une centrale nucléaire. Une pomme fait découvrir l'amour aux habitants de la lune, qui entrent alors dans une période de révolte « peace and love ». La caricature et la dérision s'accompagnent d'une réflexion fine et pertinente sur les dérives de notre société, qui va droit dans le mur. Et l’idée de la science-fiction pour les personnages du XIXe siècle qui devient le passé pour nous est une très jolie trouvaille.
La distribution est emmenée par le roi V’lan haut en couleur et à la voix bien timbrée de Christophe Lacassagne ainsi que par la magnifique Fantasia de Magali Arnault Stanczak, dont les vocalises donnent le vertige (on pense immanquablement à Olympia), même si la projection semble quelque peu limitée, sans parler d’une indéniable présence scénique, assurément un nom à retenir. Il convient de mentionner aussi l’hilarant Microscope d’Eric Vignau et le fantasque Prince Caprice de Marlène Assayag. Dans la fosse, l’Orchestre de chambre fribourgeois – une phalange de jeunes musiciens créée en 2008 seulement – laisse entendre les progrès constants accomplis (la formation présente un opéra chaque année), sous la baguette attentive et nuancée de son fondateur, Laurent Gendre. La prestation du chœur est également à relever. Une réussite sur toute la ligne !
Claudio Poloni
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