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Profondément viennois

Geneva
Victoria Hall
01/14/2014 -  et 15 (Basel), 16 (Köln), 19 (Paris) janvier 2014
Jean Sibelius: Finlandia, opus 26 – Concerto pour violon, opus 47
Anton Bruckner: Symphonie n° 6

Christian Tetzlaff (violon)
Wiener Philharmoniker, Riccardo Chailly (direction)


C. Tetzlaff (© Giorgia Bertazzi)


C’est la première fois depuis plus de six ans que l’Orchestre philharmonique de Vienne se produit à Genève. Sa dernière venue avait eu lieu dans le cadre d’un concert de bienfaisance pour l’Organisation mondiale de la santé et l’orchestre avait été placé pour cette occasion sous la baguette de Riccardo Muti. C’est le hasard de la programmation qui a fait succéder à Genève à la tête de cet orchestre Riccardo Chailly, le futur directeur de la Scala à son prédécesseur au même poste.


Même si Victoria Hall reçoit de grands orchestres prestigieux ou si l’OSR peut s’enorgueillir d’offrir à son public de très belles soirées, on ne peut que s’émerveiller des qualités incomparables de cet ensemble, capable de garder un son plein et coloré sur une très grande dynamique et avec un équilibre entre les pupitres constant et naturel. Sibelius n’est pas le compositeur que l’on associerait le plus naturellement à la Philharmonie de Vienne. Mais c’est un orchestrateur exceptionnel, et il ne faut pas être surpris d’entendre les musiciens tirer le maximum de Finlandia, ce poème symphonique d’une grande force expressive, véritable déclaration d’amour du compositeur finlandais à son pays natal. La force des cuivres dans l’exposition du thème initial est impressionnante d’autorité. La musique se développe avec tension mais sans violence et les musiciens ont la puissance requise pour respecter les indications dynamiques du compositeur et trouver un petit quelque chose de plus pour délivrer dans les dernières pages un superbe fff, sonore, riche et profond. Riccardo Chailly n’oublie pas ses origines et le passage lyrique aux cordes de l’«hymne finlandais» est d’un cantabile tout italien.


Le Concerto pour violon qui suit permet d’admirer à nouveau les qualités de l’orchestre et en particulier la transparence des cordes dans l’Allegro initial. Les péripéties du calendrier n’ont pas permis à Leonidas Kavakos, avec qui Chailly et ses musiciens ont joué ce concerto à Vienne, d’être avec eux à Genève. Christian Tetzlaff a la lourde tâche d’assurer la partie soliste dans cette œuvre si difficile et malgré ses grandes qualités, on discerne ici et là quelques petits signes inhabituels à ce niveau de nervosité. La mise en place laisse à désirer en quelques endroits où l’orchestre ne suit pas tout à fait le rubato de son soliste, qui connaît quelques petits problèmes d’intonation et de rythmes dans le finale. Prise en un seul élan, la fin du premier mouvement cependant bénéficie des qualités du soliste et s’avère d’une réelle intensité.


Les musiciens dont bien évidemment dans leur élément dans la musique de leur compatriote Anton Bruckner. Le soyeux des cordes, l’homogénéité des bois et la douceur des cuivres leur permettent de développer les longues lignes demandées par le compositeur autrichien avec naturel. Cette Sixième Symphonie figure parmi les moins jouées de Bruckner. Peut-être faut-il y voir aussi le fait que c’est également une œuvre moins tragique que les magistrales trois symphonies qui vont suivre. Mais même dans cette symphonie d’une «modestie» tout relative, Bruckner reste Bruckner avec ses lignes immenses et son sens unique de l’orchestration. Le premier mouvement (Maestoso) est d’une subtilité dans les changements de tonalité toute schubertienne et il y a du Mahler dans le sublime Adagio qui le suit, ce dernier ayant assuré la création de cette pièce.


Tout en étant très attentif aux phrasés et à la construction de l’œuvre, Riccardo Chailly privilégie une vision sereine et ensoleillée. Il apporte un soin particulier aux équilibres entre les pupitres et d’un bout à l’autre, la longueur de la ligne musicale et le naturel avec lequel les thèmes passent d’un pupitre à l’autre sont exceptionnels. Contrebasses et violoncelles cisèlent ainsi leurs parties comme du marbre de carrare, les cuivres se révèlent capables de nuances d’une douceur insoupçonnée et les échanges entre bois et cordes sont d’une rare éloquence. Le Finale est d’un caractère plus dramatique mais celui-ci est tempéré par le traitement du deuxième thème, où le chef accentue légèrement le petit glissando aux cordes (à la lettre D pour les Beckmesser de la partition) avec une superbe élégance toute milanaise. Ne faut-il pas voir le signe du plus grand professionnalisme qui soit d’un ensemble qui sait garder ses qualités propres tout en respectant et honorant la conception du chef?


Le mérite d’avoir invité cet orchestre revient à Steve Roger, l’ancien directeur général de l’OSR qui, après avoir fait se produire la Philharmonie de Berlin la saison passée, est en train de refaire venir des ensembles qui auraient dû se produire bien plus régulièrement à Genève. Cette soirée restera dans la mémoire du public pour longtemps et n’ayons pas à attendre encore six ans pour le retour de ces musiciens.



Antoine Leboyer

 

 

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