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Carmen ou la défaite des femmes

Limoges
Opéra-Théâtre
01/01/2014 -  et 3, 5, 7 janvier 2014
Georges Bizet : Carmen

Annalisa Stroppa (Carmen), Brian Jagde (Don José), Karen Vourc’h (Micaëla), Thomas Dear (Escamillo), Eduarda Melo (Frasquita), Magali Paliès (Mercédès), Bardassar Ohanian (Le Dancaïre), Julien Dran (Le Remendado), Renaud Delaigue (Zuniga), Pierre Doyen (Moralès), Côme Thieulin (Lillas Pastia)
Chœur de l’Avant-Scène du Conservatoire à rayonnement régional de Limoges, Catherine Pourieux, Patrick Malet (chefs de chœur), Chœur de l’Opéra-Théâtre de Limoges, Jacques Maresch (chef de chœur), Orchestre de Limoges et du Limousin, Robert Tuohy (direction musicale)
Frédéric Roels (mise en scène), Bruno de Lavenère (décors), Lionel Lesire (costumes), Laurent Castaingt (lumières), Sergio Simón (mouvements chorégraphiques)


A. Stroppa, B. Jagde (© Ville de Limoges/Laurent Lagarde)


Tout juste entré en fonction, Robert Tuohy, le nouveau directeur musical de l’Opéra de Limoges, fait de remarquables débuts lyriques avec cette Carmen importée de Rouen. Si l’Orchestre de Limoges et du Limousin n’est pas la première formation de France, elle n’en sonne pas moins avec une belle plénitude sous la baguette du chef américain, laquelle souligne la puissance dramatique de l’opéra de Bizet. Ample, large, la battue s’abstient de toute pesanteur inutile. Charnues, les textures évitent, à bon escient, de se faire pâteuses. Sur les couleurs, admirablement nourries, plane plus d’une fois l’ombre de Berlioz.


Ce sont d’ailleurs les mânes d’Enée qui transparaissent dans le Don José de Brian Jagde. Heldentenor au grain wagnérien et straussien, il confère au rôle, par son émission généreuse, parfois avec quelques excès bénins, une envergure aussi inhabituelle que bienvenue. Il sait tirer profit de son timbre intéressant, riche en nuances, et appartient à la catégorie des trop rares solistes qui maîtrisent le chant en voix mixte, donnant aux airs du personnage la densité musicale et émotionnelle qui leur reviennent de droit. La seconde partie de soirée trahit cependant un certain relâchement que l’on décèle également dans l’Escamillo de Thomas Dear, excellent avatar de basse authentique aux graves sûrs, à qui l’on refuse le répertoire russe – qui lui siérait pourtant si bien – en raison de préventions idiomatiques discutables. Dommage car il assure crânement son toast au deuxième acte.


Avec ses vastes moyens de mezzo, Annalisa Stroppa, brune homologuée par la conception du spectacle, pourrait davantage varier les éclairages psychologiques de sa Carmen contenue dans une monochromie réductrice. Déception également pour la Micaëla de Karen Vourc’h, à la raideur ingrate. Aux côtés des honnêtes Frasquita et Mercédès campées par Eduarda Melo et Magali Paliès, Bardassar Ohanian réserve une heureuse surprise, Dancaïre d’une incontestable assurance, auquel Julien Dran apporte en Remendado un pendant pétri d’une juvénile impétuosité. Tandis que le Zuniga de Renaud Delaigue se contente du nécessaire, Pierre Doyen réalise en Moralès une entrée réussie. On saluera également tant le chœur de la maison, dirigé par Jacques Maresch, que les élèves du Conservatoire, préparés par Catherine Pourieux et Patrick Malet.


L’on ne s’attardera pas en revanche sur la production de Frédéric Roels, habile scénographie – le réglage des coulisses par le décor témoigne, à défaut d’originalité, d’un savoir-faire certain – qui explicite les conséquences de l’agitation hormonale au point de faire sombrer la tension érotique reliant Carmen à ses amants dans une crudité passablement vulgaire et verse çà et là dans une violence plus gratuite qu’expressive – la flaque d’eau qui devient de sang, l’héroïne croqueuse d’hommes, prédatrice en short et poitrine saillants. Au moins le travail du directeur de l’Opéra de Rouen a-t-il le mérite de laisser la musique et ses interprètes développer ce qu’elle ne parvient à dire.



Gilles Charlassier

 

 

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