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La Monnaie rend justice à Ambroise Thomas

Bruxelles
La Monnaie
12/03/2013 -  et 5, 6, 8, 10, 12, 13, 15*, 17, 18, 20, 21, 22 décembre 2013
Ambroise Thomas: Hamlet
Vincent Le Texier (Claudius), Jennifer Larmore/Sylvie Brunet-Grupposo* (La Reine Gertrude), Stéphane Degout/Franco Pomponi* (Hamlet), Till Fechner (Polonius), Lenneke Ruiten/Rachel Gilmore* (Ophélie), Rémy Mathieu (Laërte), Henk Neven (Horatio, Premier fossoyeur), Gijs Van der Linden (Marcellus, Second fossoyeur), Jérôme Varnier (Le Spectre du feu Roi)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Marc Minkowski (direction)
Olivier Py (mise en scène), Andreas Zimmermann (reprise de la mise en scène), Pierre-André Weitz (décors, costumes), Bertrand Killy (éclairages)





Automne faste pour Olivier Py: le futur directeur du Festival d’Avignon a mis en scène Alceste en septembre au Palais Garnier, Aïda en octobre à l’Opéra Bastille et, pendant que Dialogues des carmélites figure à l’affiche du Théâtre des Champs-Elysées, la Monnaie reprend la production d’Hamlet (1868) que le Theater and der Wien a créée en 2012. La présence de Marc Minkowski dans la fosse ravive le souvenir des Huguenots représentés sur la scène bruxelloise il y a deux ans et demi. Les points de comparaison ne manquent pas: décor, probablement coûteux, du fidèle Pierre-André Weitz (éclairé par le non moins fidèle Bertrand Killy), distribution de choix, malgré l’annulation de la participation de Sonya Yoncheva, et direction musicale pleine d’égards pour cette autre rareté extirpée de l’oubli – selon les archives de la Monnaie, l’opéra de Thomas n’y avait plus été représenté depuis 1930.


La scénographie ne présente rien de surprenant de la part de cette fine équipe – des catacombes immenses baignées dans la pénombre, des escaliers qui pivotent et se rétractent – mais la monumentalité du dispositif n’exclut pas l’intimité. Rigoureusement pensée, la mise en scène apporte une touche de dérision à cette tragédie, notamment dans la véritable mise en abyme que constitue, au deuxième acte, Le Meurtre de Gonzague, pantomime durant laquelle des comédiens de sexe masculin endossent la même tenue que les membres de la cour, Ophélie et Gertrude comprises – excellente idée, alors que celle de faire porter à Hamlet un entonnoir parait plus convenue. Représentatif du langage du metteur en scène et de l’esthétique du décorateur, ce Hamlet cohérent et abouti captive toutefois un peu moins que Les Huguenots mais le spectacle rend justice à une œuvre qui peut paraître bancale, voire ennuyeuse, si d’autres artistes moins talentueux s’en emparent.



(© Hermann und Clärchen Baus)


Sur le plan musical, le public en a aussi pour son argent. La Monnaie recourt à une double distribution pour trois des rôles principaux. Stéphane Degout partage le rôle-titre, un des plus beaux pour baryton de l’opéra français, avec Franco Pomponi qui a déjà incarné le prince danois à Barcelone et à Marseille. L’Américain, qui, à défaut de posséder un timbre de rêve, se soucie de la prononciation et de la ligne, compose un Hamlet vocalement maîtrisé et théâtralement persuasif. Il ne quitte guère la scène, où, tel un Werther, il traîne son âme de romantique. L’incarnation n’émeut pas particulièrement, peut-être parce qu’elle manque d’un peu de charisme et de présence, mais elle traduit bien le cheminement vers la folie – néanmoins, l’acteur imprègne davantage la mémoire que le chanteur. En alternance avec Lenneke Ruiten, Rachel Gilmore se glisse dans la peau d’Ophélie avec aisance: disposant d’une voix légère, souple et colorée, la soprano vocalise en assurant les aigus et en nourrissant le médium. Chaque intervention de Sylvie Brunet-Grupposo en Reine Gertrude constitue un véritable délice. Véritable tragédienne, prononçant de surcroît le français à la perfection, la mezzo met son timbre riche, ample et velouté au service d’un chant haut de gamme, ornementé sans artifice et tenu magnifiquement – difficile a priori, pour Jennifer Larmore, de la surpasser.


Plus que le Claudius imposant mais lyrique de Vincent Le Texier, qui ne s’aventure pas déraisonnablement dans le grave, et le Polonius remarquablement tenu de Till Fechner, il convient de retenir le Laërte de Rémy Mathieu, qui s’inscrit dans la grande tradition du chant français. Torse nu et portant un masque doré, Jérôme Varnier incarne quant à lui un Spectre monolithique et immuable. Henk Neven et Gijs Van der Linden complètent le plateau sans le déparer tandis que les chœurs, préparés par Martino Faggiani, se tiennent aussi bien que d’habitude.


Marc Minkowski apporte de la vigueur à cette musique, lui assure son éclat, n’en néglige pas l’élégance, ni les teintes obscures et mélancoliques, attire l’attention sur l’harmonie et sur l’orchestration. Bien que les cuivres ratent l’une ou l’autre de leurs interventions et que les cordes devraient scintiller et s’unifier davantage, l’orchestre affiche une finition et une cohésion amplement suffisantes. Pourvu que la Monnaie continue à défendre ce répertoire aussi consciencieusement et qu’elle se souvienne qu’elle n’a plus monté La Juive, par exemple, depuis 1953.



Sébastien Foucart

 

 

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