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Chef-d’œuvre, vraiment ?

Paris
Opéra Comique
11/16/2013 -  et 18*, 19 novembre 2013
George Benjamin : Written on Skin
Christopher Purves (The Protector), Barbara Hannigan (Agnès), Iestyn Davis (Angel 1, The Boy), Victoria Simmonds (Angel 2, Marie), Allan Clayton (Angel 3, John)
Orchestre philharmonique de Radio France, George Benjamin (direction musicale)
Katie Mitchell (mise en scène)


B. Hannigan, C. Purves (© Julienne Etienne)


La création aixoise en juillet 2012 fut un triomphe : on parlait même d’une date dans l’histoire de l’opéra. Même triomphe à Favart un an et demi après, alors que l’œuvre a conquis de grandes scènes internationales. Written on Skin, pourtant, ne convainc pas vraiment. Non que la production trahisse des faiblesses : elle est exemplaire, d’homogénéité, d’achèvement. Aucune faille dans la réalisation, qu’il s’agisse de l’orchestre, des chanteurs ou de la scène. C’est l’œuvre de George Benjamin elle-même qui suscite un certain scepticisme, par son texte et sa musique.


A partir de la légende médiévale du Cœur mangé – un mari trompé fait manger à sa femme le cœur de son amant – Martin Crimp, déjà librettiste de Benjamin pour son premier opéra, Into the Little Hill, joue avec maestria de la distanciation et de la mise en abyme, avec ces anges d’aujourd’hui qui remontent le temps, cet amant enlumineur qui dessine sa propre histoire, l’enluminure devenant médium de vérité, cette action commentée au moment même où elle se déroule. Mais cela semble vite artificiel, fabriqué... La revendication par Agnès de la liberté de son désir ne paraît pas moins convenue.


La musique, de son côté, est de magnifique facture, parfaitement adaptée à l’histoire, confirmant l’art de l’instrumentation du compositeur, qui use en maître raffiné des coloris subtils, notamment à travers les sonorités archaïsantes des mandolines ou de la basse de viole – il y a aussi un harmonica de verre. Or, elle colle un peu trop littéralement à l’histoire, pas très inspirée au fond, comme si elle visait d’abord et avant tout à l’efficacité dans l’illustration. Mais ce qui manque le plus, c’est la tension dramatique, le théâtre. Il faut attendre la troisième partie pour que, au moment du repas cardiophage, du paroxysme de la violence conjugale, l’arc se tende enfin – à grand renfort de percussions.


L’homogénéité de la production tient également à la mise en scène de Katie Mitchell. Le dispositif de Vicki Mortimer, sur différents plans, épouse les différents niveaux du texte, comme une sorte de retable, avec les espaces des narrateurs et ceux des personnages : maison du Protecteur, sortes de coulisses où les Anges habillent et déshabillent les personnages, jeu sur le cadre et la scène. La direction d’acteurs, très affinée, crée cette tension que l’on cherche dans la musique, en particulier autour des trois protagonistes ; au troisième acte, elle atteint une grande force, jusqu’au suicide d’Agnès, qui échappe ainsi à la fureur assassine de son époux.

Le « Philhar’ » se plie avec enthousiasme à la direction scrupuleuse du compositeur, qui ne fait rien, cependant, pour casser le sentiment de monotonie. Et les voix, que la musique ne bouscule jamais, même dans les pages les plus tendues, sont parfaites. Barbara Hannigan incarne une extraordinaire Agnès, par l’homogénéité de la ligne, la force du jeu, belle voix que le troisième acte, très difficile, n’éprouve jamais. Impressionnant Christopher Purves en Protecteur, timbre mordant, qui, même sous l’effet de la rage, ne débraille jamais son chant. Iestyn Davis, impeccable contre-ténor enlumineur, manque un peu de séduction troublante.


Un bel objet, un produit parfaitement fini, mais rien que cela. Reste à savoir ce que la postérité en retiendra. Beaucoup plus que nous, peut-être.



Didier van Moere

 

 

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