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Prêtresse ou soubrette ?

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/15/2013 -  et 10, 12 novembre 2013 (Lyon)
Vincenzo Bellini : Norma

Elena Mosuc (Norma), John Osborn (Pollione), Enrico Iori (Oroveso), Sonia Ganassi (Adalgisa), Gianluca Floris (Flavio), Anna Pennisi (Clotilda)
Chœur de l’Opéra national de Lyon, Alan Woodbridge (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra national de Lyon, Evelino Pidò (direction)


J. Osborn (© Greg Figge)


C’est une tradition, maintenant : l’Opéra de Lyon exporte aux Champs-Elysées ses opéras italiens en concert. Après Les Puritains l’année dernière, voici Norma.


Un des rôles les plus redoutables du répertoire, où plus d’une s’est fourvoyée. Elena Mosuc n’échappe pas à la règle. Le récitatif d’entrée, pourtant, ne laisse pas mal augurer de la suite, même si l’on sent la voix trop frêle – Norma veut un falcon et la soprano roumaine, auparavant, triomphait en Reine de la nuit ou en Zerbinette. Le « Casta diva » est bien tenu également, par le contrôle du souffle et des nuances. Mais la cabalette tourne à la catastrophe : vocalises savonnées, justesse approximative. Le reste fait souvent peine à entendre, pas seulement à cause des défaillances techniques et de la modestie des moyens : le grand style tragique échappe totalement à la chanteuse et la grande prêtresse tient plutôt de la soubrette qu’elle fut à ses débuts – par les poses, la robe et l’étole de fourrure blanche aussi... Les fureurs de la jalousie font plus sourire que frémir. Elle s’améliore un peu au second acte, lorsqu’il faut chanter pianissimo et que le timbre retrouve sa légèreté liquide – pas lorsqu’il s’agit d’appeler à la guerre ou de menacer le proconsul félon. Elle prend davantage, également, la mesure du rôle, sans chercher à se fabriquer une voix qu’elle n’a pas. Il n’empêche : comment peut-elle à ce point se tromper sur elle-même ?


Si l’on restait sceptique sur Elena Mosuc, on ne craignait guère de Sonia Ganassi, si familière d’Adalgise et du premier ottocento. Il faut malheureusement déchanter : la voix, sans doute éprouvée par des emplois plus lourds, ne peut plus incarner la jeune prêtresse. Le timbre est devenu gris, les registres ne se soudent plus guère, les aigus sont arrachés – d’autant plus qu’Evelino Pidò, dans le second acte, maintient, contre un usage trop longtemps établi, les tonalités originales, confirmant que le rôle exige une soprano et non pas une mezzo... et conviendrait beaucoup mieux à Elena Mosuc.


Norma devient ainsi, l’espace d’une soirée, un opéra d’hommes où l’on chante à fronts renversés. Le chant bellinien se trouve incarné par l’Orovèse noble, profond et stylé d’Enrico Iori et le Pollion très belcantiste de John Osborn, partenaire au disque et à la scène de la Norma de Cecilia Bartoli. Non qu’il ait une tessiture de baryténor : on entend plutôt un ténor aigu. Mais il s’en accommode, avec une ornementation très adaptée dans la reprise de sa cabalette, conscient qu’il lui faut également incarner un proconsul plus élégiaque et fragile que vaillant. Ce qu’il fait en grand musicien, au phrasé subtilement modelé.


La direction fougueuse d’Evelino Pidò, comme souvent, ne va pas sans sécheresse mécanique parfois, elle devrait davantage faire chanter un orchestre qui ne se trouve pas ici dans son répertoire habituel. Mais le chœur s’est fort bien préparé, grâce à Alan Woodbridge. La version choisie tient compte des découvertes musicologiques, comme celle de Giovanni Antonioni avec Cecilia Bartoli. Cela ne change rien à l’affaire.



Didier van Moere

 

 

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