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Don Giovanni ou la fidélité (presque) assumée

Reims
Opéra
11/06/2013 -  et 8, 10 novembre 2013
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527

Tassis Christoyannis (Don Giovanni), Tomislav Lavoie (Leporello), Omo Bello (Donna Anna), Marianne Fiset (Donna Elvira), Yves Saelens (Don Ottavio), Albane Carrère (Zerlina), Nicolas Certenais (Masetto), Nika Guliashvili (Le Commandeur)
Ensemble lyrique Champagne-Ardenne, Sandrine Lebec (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Reims, Jean-Yves Ossonce (direction musicale)
Oriol Tomas (mise en scène), Laurence Mongeau (décors et costumes), Marc Delamézière (lumières)


T. Christoyannis, O. Bello (© François Berthon)


A rebours des habituelles réécritures du script de Da Ponte, Oriol Tomas se contente d’illustrer le propos originel, sans chercher à incarner – et de ce fait trahir – la fable en relecture aux prétentions sociales, morales ou cinématographiques, parmi tant d’autres. Dans de sobres décors dessinés par Laurence Mongeau, il fait évoluer les personnages dans un réalisme théâtral qui n’a nul besoin de s’encombrer de quelque naturalisme censément plus crédible. Tout procède d’une confiance évidente dans le jeu des acteurs, appuyé d’images efficaces, à l’instar des ombres qui précèdent les personnages dans l’incipit ou encore la malle de Leporello, véritable factotum de Don Giovanni, sans lequel, on le devine, il ne pourrait donner le change à la société qui l’entoure – au sens vestimentaire comme au figuré – ou encore les stigmates rouges et noirs que les femmes abusées – Anna comme Elvira – portent sur leurs robes. L’inspiration s’essouffle cependant un peu au fil du spectacle, qui ne tire pas toutes les conséquences de ses prémisses – ainsi lors de l’invitation à souper, le Commandeur reste statufié, en contradiction avec des didascalies jusque là suivies fidèlement, mais sans servitude, quand la fin, plaçant le valet à la place de son maître, amincit l’ambiguïté morale de la pièce, transsubstantiant Leporello le serviteur en improbable suiveur de Don Giovanni – même si l’air initial explicite son désir de «faire le gentilhomme».


Cheville de la soirée, Tassis Christoyannis sait avec art mâtiner l’aplomb et l’insolence avec une chair vocale irrésistible de moelleux. Ce Don Giovanni-là prend sans complexe le parti du lyrisme, au risque de frôler parfois l’afféterie – exquisément nuancée, sa sérénade n’a pas le naturel de miel que lui donne un Peter Mattei. Mais l’authentique baryton Verdi domine aisément la distribution masculine. Yves Saelens a certes tous les atours du ténor mozartien, même si l’on peut discuter un timbre qui frôle le stéréotype. En revanche, Tomislav Lavoie impose un Leporello incontestablement sonore, mais hélas caverneux et au vibrato large, çà et là frétillant. Nika Guliashvili compose un Commandeur puissant quoique sans grande personnalité, tandis que Nicolas Certenais ne dépasse guère la caricature dans le rôle du rustaud Masetto – du moins le personnage est là, à défaut de l’instrument vocal.


Les dames apportent quant à elles infiniment plus d’égalité dans les satisfactions auriculaires. Albane Carrère babille une juvénile Zerlina, piquante à l’occasion, et agréable autant aux yeux qu’aux tympans. Marianne Fiset fait preuve d’un dramatisme convaincant en Elvira, quoique la tessiture ne soit pas d’une impeccable homogénéité. Mais c’est indubitablement la lumineuse Donna Anna d’Omo Bello qui retient l’attention. L’élégance fruitée de la voix se prête avec souplesse à l’ambitus du caractère, et on lui pardonnera aisément la prudence de ses vocalises dans le «Non mi dir», tant nos oreilles ont souvent été rebattues par des formats plus connus, parfois plus légers, mais souvent moins agiles, et surtout moins naturels. On attend avec intérêt le souffle de fraîcheur de la soprano franco-nigériane dans sa prochaine Violetta à Montpellier.


A l’écart des projecteurs, Jean-Yves Ossonce réalise à Tours un remarquable travail de chef lyrique dont il fait bénéficier l’Orchestre de l’Opéra de Reims, ainsi porté vers le haut. Mentionnons enfin les chœurs de l’Ensemble lyrique Champagne-Ardenne, honnêtement préparés par Sandrine Lebec.



Gilles Charlassier

 

 

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