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Et vogue la version originale du Vaisseau fantôme!

Geneva
Bâtiment des Forces Motrices
10/28/2013 -  et 30* octobre, 2, 5 novembre 2013
Richard Wagner : Der fliegende Holländer, WWV 63
Dimitry Ivashchenko (Donald), Ingela Brimberg (Senta), Eric Cutler (Georg), Kismara Pessatti (Mary), Maximilian Schmitt (Der Steuermann), Alfred Walker (Der Holländer)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Ching-Lien Wu (direction), Orchestre du Wagner Geneva Festival (formé des étudiants de la Haute école de musique de Genève (HEM – Genève), de la Haute école de musique de Lausanne (HEMU) et du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMD – Paris)), Kirill Karabits (direction musicale)
Alexander Schulin (mise en scène), Bettina Meyer (décors), Bettina Walter (costumes), Rainer Küng (lumières), Bert Zander (vidéo), Suse Wächter (marionnette)


(© Gregory Batardon)


En cette année du bicentenaire de la naissance de Richard Wagner, Genève se paie le luxe non seulement d’un nouveau Ring au Grand Théâtre, mais aussi d’un grand festival s’étendant sur cinq semaines (Wagner Geneva Festival, du 26 septembre au 5 novembre 2013) et se proposant d’offrir une vision globale de l’œuvre du compositeur allemand. Détail piquant, cette dernière manifestation a été mise sur pied – sous la houlette du Cercle Romand Richard Wagner – par Jean-Marie Blanchard, qui n’est autre que l’ancien directeur du Grand Théâtre, lequel, on s’en souvient, avait quitté la Cité de Calvin en 2009 dans des circonstances pour le moins houleuses (fâché de ne pas avoir été reconduit à la tête de l’institution lyrique genevoise, il avait saisi les tribunaux pour exiger une indemnité pour licenciement abusif, indemnité que la justice lui a finalement refusée). Quoi qu’il en soit, Jean-Marie Blanchard est revenu par la grande porte, en frappant un coup de maître : fort de sa longue expérience et de son carnet d’adresses fourni, il est parvenu à récolter l’argent nécessaire à l’organisation d’une manifestation d’envergure (son principal bailleur de fonds étant la fondation d’une marque horlogère de luxe) et, surtout, à mettre sur pied toute une série de rendez-vous éclectiques les uns plus passionnants que les autres (opéra, concerts, récitals, théâtre, danse, expositions, conférences...) pour mieux cerner les influences exercées sur Wagner, mais aussi les influences exercées par Wagner sur les artistes contemporains ; ce faisant, il aura réussi à rassembler dans sa programmation de nombreuses institutions culturelles de Genève, créant ainsi de belles synergies.


Qui plus est, un Festival Wagner en Suisse a tout son sens, le compositeur ayant eu un lien très étroit avec la Confédération, notamment pour avoir séjourné à Zurich dès 1849 comme exilé politique, puis à Lucerne de 1866 à 1872. Des années qu’il a qualifiées lui-même comme des plus heureuses, et aussi des plus fécondes, puisque le Ring, Tristan et Les Maîtres Chanteurs sont tous passés par l’Helvétie, à des degrés divers. Sans oublier les visites effectuées par Wagner à Genève.


Impossible, bien évidemment, d’organiser un festival consacré à Wagner sans opéra. Jean-Marie Blanchard a choisi de proposer Le Vaisseau fantôme, dans sa version originale dite de Paris. Les principales différences par rapport à la version de Dresde – la plus couramment jouée – résident notamment dans la tonalité des voix (la célèbre ballade de Senta, par exemple, est plus aiguë ici), dans l’utilisation de certains instruments et dans le fait que l’action se passe en Ecosse, et non pas en Norvège, avec à la clé des changements de nom (ainsi, Daland devient Donald et Erik se prénomme ici Georg).


Ce qui frappe tout d’abord dans ce Vaisseau fantôme, c’est une distribution de très haute volée. A commencer par le Hollandais d’Alfred Walker : son apparition, dans une longue cape noire, les yeux complètement exorbités, fait froid dans le dos. Son chant nuancé, sa maîtrise de la ligne et son timbre de velours rendent le marin maudit terriblement résigné et profondément triste, avec un regard halluciné qui hantera longtemps la mémoire des spectateurs. Véritable révélation, la Senta d’Ingela Brimberg séduit par la projection de son timbre et ses aigus d’airain, sans parler de ses talents d’actrice. On ne manquera pas non plus de citer le timonier clair et lyrique de Maximilian Schmitt, le Georg incisif d’Eric Cutler, sans oublier le Donald sonore de Dimitry Ivashchenko. Et comme à son habitude, le chœur du Grand Théâtre de Genève livre une magnifique prestation.


Dans la fosse, les étudiants des hautes écoles de musique de Genève et de Lausanne ainsi que du Conservatoire national supérieur de Paris s’en tirent avec les honneurs, malgré des flottements et des décalages, surtout en début de représentation. Pour ces jeunes musiciens professionnels, il s’agit là d’une expérience lyrique précieuse, et le chef Kirill Karabits n’a de cesse de ne jamais laisser faiblir la tension dramatique. Malheureusement, la salle du Bâtiment des Forces Motrices, de taille relativement modeste et utilisée par le Grand Théâtre pour le répertoire baroque et Mozart notamment, n’est pas destinée à des œuvres avec un effectif aussi important, de telle sorte que l’orchestre sonne constamment très fort et empêche le public de percevoir les nuances.


Le metteur en scène Alexander Schulin signe une production sobre et stylisée. Il situe l’action dans un lieu clos et gris, étouffant, qui pourrait être la cale d’un navire ou la pièce d’une habitation. Senta, une marionnette à la main représentant le Hollandais, est présente sur le plateau de bout en bout, comme en rêve : toute petite déjà, elle a été fascinée par un tableau figurant le héros accroché chez son père et aspire à le suivre vers un destin plus exaltant que celui que lui offre la communauté dans laquelle elle vit. Le (premier ?) Wagner Geneva Festival ne pouvait se conclure de plus belle manière.



Claudio Poloni

 

 

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