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Réjouissances baroques

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
09/27/2013 -  et 30 septembre 2013 (London)
Jean-Philippe Rameau : Castor et Pollux: Ouverture, Deuxième et Troisième airs pour les Athlètes, Bruit de guerre, «Tristes apprêts, pâles flambeaux» & Menuet – Dardanus: Sommeil, Tambourins I et II & Chaconne – Anacréon: «Règne avec moi, Bacchus» – Les Paladins: «Je vole, amour»
Georg Friedrich Händel : Concerto grosso en sol mineur, opus 6 n° 6, HWV 324 – Giulio Cesare in Egitto, HWV 17: «Che sento, o Dio» & «Se Pietà» – Scipione, HWV 20: Marche & «Scoglio d’immota fronte» – Music for the Royal Fireworks, HWV 351

Sandrine Piau (soprano)
Orchestra of the Age of Enlightenment, William Christie (direction)


S. Piau (© Sandrine Expilly/Naïve)


Un concert réussi suppose une compréhension minimale entre les différents artistes présents (chef, orchestre, soliste, qu’il soit bien entendu instrumentiste ou chanteur): pouvait-on avoir plus grande complicité que ce soir sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées? Difficile de faire mieux en effet... William Christie connaît depuis longtemps l’Orchestre de l’Age des Lumières, qu’il dirige régulièrement, qu’il a encore conduit cet été au festival de Glyndebourne – c’est devenu une habitude depuis plusieurs années – dans Rameau (Hippolyte et Aricie) et qu’il a également dirigé le 1er juillet dernier, au Théâtre des Champs-Elysées, dans un programme Händel en hommage à Lorraine Hunt. Il connaît encore mieux Sandrine Piau, qu’il a guidée depuis plus de vingt ans lorsqu’il a compris que cette ancienne de la Maîtrise de Radio France avait des moyens extraordinaires qui justifiaient qu’elle abandonnât ses études de harpe, et qui avait reçu entre temps ses premières leçons de chant par Jacqueline Morin – une ancienne disciple de Max Lorenz! – avant de rejoindre Les Arts florissants, où elle a découvert le monde baroque qu’elle n’a jamais quitté depuis.


Tous les ingrédients étaient donc réunis pour que le concert soit exceptionnel: ce fut sans conteste le cas. Au programme, deux immenses compositeurs de part et d’autre de la Manche, Jean-Philippe Rameau (1683-1764) et Georg Friedrich Händel (1685-1759), que tous les artistes de la soirée connaissent parfaitement.


En frac et arborant, comme à son habitude désormais de magnifique chaussettes rouges, William Christie lance dès son entrée en scène les musiciens dans le rythme endiablé de l’Ouverture de Castor et Pollux, qui offre également à Sandrine Piau sa première intervention avec le très bel air de Télaïre «Tristes apprêts, pâles flambeaux» (acte II, scène 2), où sa complainte fait parfaitement écho à celle des deux bassons, tous pleurant ainsi la mise au tombeau de Castor, tombé au combat à la fin de l’acte I. Tout autre est l’ariette de la scène 5 d’Anacréon, «Règne avec moi Bacchus», où les volutes musicales de Sandrine Piau – quelles vocalises notamment sur le seul mot introductif «Règne»! – répondent cette fois-ci au magnifique jeu des violons guidés avec précision par William Christie. L’Orchestre de l’Age des Lumières fait à chaque instant preuve d’une extraordinaire vélocité, qu’il s’agisse des cordes dans les deux Tambourins de Dardanus (à ce titre, on ne peut manquer de souligner l’excellente prestation de Kati Debretzeni en sa qualité de premier violon solo, qui nous avait déjà tant impressionné dans Bach), et d’un sens inné des couleurs, comme l’ont prouvé les deux hautboïstes dans la Chaconne qui concluait la première partie française de la soirée.


Händel composa en à peine un mois, les douze Concerti grossi de l’Opus 6 (1739), nouvelle preuve des moyens exceptionnels de ce compositeur réputé pour sa rapidité créatrice. Structuré très adroitement autour d’une Musette centrale aux larges dimensions, le Sixième trouve là une interprétation idéale grâce, encore une fois, à William Christie et Kati Debretzeni, dont chaque intervention mériterait d’être soulignée. Sandrine Piau a toujours affirmé que le Caro Sassone constituait «son pain quotidien»; elle a d’ailleurs, hormis quatre représentations pour cause de voix paralysée, encore chanté dernièrement le rôle de Cléopâtre dans Giulio Cesare in Egitto représenté il y a peu au Palais Garnier. Et c’est avec cette même héroïne qu’elle nous charme et désarme totalement ce soir, dans l’air célèbre «Se Pietà» (acte II, scène 8) où, apprenant que César est menacé d’être assassiné par plusieurs conjurés, elle pleure à la fois l’amour qu’elle risque de perdre et le pouvoir politique auquel elle aspire et qui menace de disparaître avec le dictateur romain. En écho là encore aux splendides bassons, Sandrine Piau magnifiquement la dimension dramatique du personnage, servie par une voix et un souffle d’une souplesse à toute épreuve: comment ne pas succomber après cela?


Plus original est l’air suivant, «Scoglio d’immota fronte», issu de la scène 8 de l’acte II de Scipione, opéra seria de 1726, air que Sandrine Piau a d’ailleurs enregistré avec Christophe Rousset. La chanteuse l’interprète avec toute la véhémence que requiert l’héroïne, Bérénice, qui rejette là les avances de Scipion alors que lui-même l’avait promise à un de ses proches, Lucejo. L’agilité vocale de Sandrine Piau fait de nouveau merveille et remporte bien évidemment tous les suffrages du public. Quant à la célébrissime Musique pour les feux d’artifices royaux, pourtant assez peu jouée dans les salles de concert, William Christie et l’Orchestre de l’Age des Lumières en donnent une interprétation brillante – trois trompettes et trois cors, épaulés par un tambour et des timbales! – et pleine d’entrain.


Le public ne comptant pas laisser partir aussi facilement les artistes de la soirée, William Christie et Sandrine Piau, tous deux rayonnants, reviennent en scène pour trois bis où la frivolité vocale de l’air de Morgane à la fin du premier acte d’Alcina («Tornami a vagheggiar») précède le si poignant «Lascia ch’io pianga mia cruda sorte», air ô combien célèbre d’Almirena tiré de la quatrième scène de l’acte II de Rinaldo, l’air «Règne avec moi Bacchus», déjà entendu précédemment, concluant une soirée en tous points exceptionnelle.


Plus que jamais, le sentiment qui dominait en sortant du Théâtre était à l’image du titre de l’avant-dernier mouvement de la Music fort the Royal Fireworks: «La Réjouissance».


Ecouter le concert sur le site de France Musique



Sébastien Gauthier

 

 

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