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Remarquable retour de Wagner aux Chorégies

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Théâtre antique
07/12/2013 -  
Richard Wagner : Der fliegende Holländer

Ann Petersen (Senta), Egils Silins (Der Holländer), Stephen Milling (Daland), Endrik Wottrich (Erik), Marie-Ange Todorovitch (Mary), Steve Davislim (Der Steuermann)
Chœurs d’Angers-Nantes Opéra, de l’Opéra-Théâtre du Grand Avignon & du Théâtre du Capitole de Toulouse, Orchestre philharmonique de Radio France, Mikko Franck (direction)
Charles Roubaud (mise en scène), Jean-François Kessler & Bernard Monforte (assistants à la mise en scène), Emmanuelle Favre (scénographie), Katia Duflot (costumes), Jacques Rouveyrollis (lumières), Jessica Duclos (assistante aux lumières)


E. Silins (© Philippe Gromelle)


Quatorze années que la musique de Wagner n’était pas venue résonner contre le célèbre mur du Théâtre antique d’Orange (Tristan et Isolde en version de concert en 1999), quand la dernière production in loco du Vaisseau fantôme remontait, elle, à 1987 (avec Lisbeth Baslev et Simon Estes dans les rôles principaux). Bicentenaire oblige, Raymond Duffaut a choisi l’opus wagnérien censément le plus accessible au grand public, sans que celui-ci ait toutefois répondu à l’appel: en raison d’une trop faible affluence, le festival n’a pas maintenu la seconde représentation, prévue le 15 juillet. Avec l’annulation du récital Alagna/Antonacci qui devait avoir lieu le 19 juillet, soit plus de 10000 billets non vendus ou remboursés pour les deux spectacles, voilà un coup dur pour la manifestation provençale, dont on espère quelle s’en remettra.


Metteur en scène le plus sollicité aux Chorégies ces quinze dernières années, le Marseillais Charles Roubaud signe la régie, entouré de sa fidèle équipe: Emmanuelle Favre à la scénographie, Katia Duflot aux costumes et Jacques Rouveyrollis aux lumières. Ensemble, ils créent sur le vaste plateau des Chorégies un climat général sombre et tourmenté, empreint de pathos. Un navire réduit à une immense proue rouillée – unique élément de décor – semble comme sortir du mur, tandis que des images vidéo, signées Marie-Jeanne Gauthé, y sont projetées pour figurer, tour à tour, des flots tumultueux ou l’intérieur d’une bâtisse où les fileuses attendent le retour des marins. Avec ce technicien expérimenté, les beaux moments et les effets impressionnants ne manquent pas, telle cette saisissante surimpression de globes oculaires d’un crâne humain sur le navire, exacte fusion d’une tête de mort dans sa poupe. Mais si la rétine s’imprègne de fort belles images, nous nous prenons maintes fois au cours de la soirée à regretter, comme nous le déplorions déjà le mois dernier dans la production de Cléopâtre de Massenet que Roubaud présentait à Marseille, une direction d’acteurs soit paresseuse, soit convenue, notamment en ce qui concerne les déplacements des chœurs, particulièrement maladroits.


Le plateau vocal convainc presque sans réserve. Après nous avoir conquis en Isolde en juin 2011 à l’Opéra de Lyon, Ann Petersen incarne une Senta à la fois fragile et d’une flamme constamment ardente, avec un fascinant rayonnement d’expression intérieure. La soprano danoise n’est jamais prise en défaut tout au long de l’opéra, donné ce soir sans entracte, depuis une ballade hantée, jusqu’au délire sacrificiel du dénouement. Le Hollandais du Letton Egils Silins dispose lui d’un timbre plutôt léger, au grave limité, mais la maîtrise du souffle et la précision de l’intonation (très beau «Wie aus der Ferne») lui permettent de débarrasser le rôle de cette uniforme noirceur que trop d’interprètes lui imposent.


Leurs partenaires sont des premiers plans connus, comme la basse danoise Stephen Milling qui, dans le rôle de Daland, impose sa carrure physique et son registre grave généreux. Le ténor allemand Endrik Wottrich campe un Erik passionné, Steve Davislim un Pilote au chant magnifiquement rêveur, et la mezzo montpelliéraine Marie-Ange Todorovitch une Mary qui parvient à s’imposer face à la Senta de Petersen.


Mais c’est de la fosse que viendra néanmoins le principal motif d’enthousiasme de la soirée. A la tête d’un Philhar’ dans une forme éblouissante, le chef finnois Mikko Franck, qui prendra les rênes de cette phalange en 2015, livre une lecture exaltée de la partition, et obtient de son orchestre une multiplicité de saveurs, une subtilité dans les timbres, les plans sonores et les nuances que l’on croyait irréalisables dans l’immensité du Théâtre antique. Enfin, les chœurs réunis des opéras d’Angers-Nantes, d’Avignon et de Toulouse emportent également l’adhésion, grâce à leur engagement et à leur cohésion: ils créent ainsi un impressionnant crescendo dans leur grandiose scène du troisième acte.


Verdi, dont on célèbre également le bicentenaire de la naissance, sera à son tour dignement fêté début août, avec Un bal masqué, opéra qui n’a encore jamais été donné aux Chorégies!



Emmanuel Andrieu

 

 

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