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Victoria Hall
05/14/2013 -  
Serge Rachmaninov: Concerto pour piano n° 1, opus 1
Hector Berlioz: Symphonie fantastique, opus 14

Alexander Gavrylyuk (piano)
Orchestre de la Suisse Romande, Neeme Järvi (direction)


A. Gavrylyuk (© Mika Bovan)


Australien d’origine ukrainienne, Alexander Gavrylyuk mérite d’entrer dans la lignée de ces pianistes russes à la technique impeccable, capable de dévorer les cascades de notes et d’octaves qui caractérisent les concertos de Rachmaninov. Il est cependant difficile de ne pas sourire, et de ne pas se douter de ce qui va se passer, en voyant arriver sur scène le soliste de ce concert, impétueux et courant à son clavier et le chef, calme et mesuré pour arriver à son pupitre.


Le début du premier mouvement montre les différences de conception entre chef et soliste. Ce dernier se jette à corps perdu dans la débauche d’accords de l’introduction, quitte à bousculer la ligne mélodique tandis que le chef cherche à établir et à maintenir une pulsation plus régulière dans tutti qui suit. Comme c’était le cas à Francfort pour le concert d’Arcady Volodos et Jukka-Pekka Saraste, les musiciens se retrouvent dans les passages concertants et en particulier dans un Andante très chantant, mais les nombreux solos sont autant d’opportunités pour le soliste d’accélérer et de montrer l’étendue de sa technique, soulignant ainsi la différence de conception, et peut-être d’âge, avec le chef. Ce concerto n’est peut-être pas le plus solide et surtout le plus construit de Rachmaninov, même s’il évoque pour de nombreux spectateurs l’extraordinaire émission de Bernard Pivot «Apostrophes» qui nous manque tant, et ce n’est pas cette exécution qui va nous faire changer d’avis sur sa valeur. Très apprécié par une salle conquise, Alexander Gavrylyuk ne se fait pas prier et donne en bis une Vocalise dont la version orchestrale figurera dans deux semaines dans la suite du cycle Rachmaninov que donnent ces artistes.


La seconde partie du concert, consacrée à la Symphonie fantastique, n’est pas non plus sans problèmes. Le métier de Neeme Järvi est certes visible dans la qualité de la mise en place et dans la recherche de longues lignes musicales. Le contrôle qu’il a sur son orchestre est une réalité et il semble avoir pris la mesure des possibilités de son orchestre. Mais dans cette œuvre qui doit sentir le soufre, faut-il parler de musicalité ou chercher à exprimer une certaine démesure? Les pages du premier mouvement sont un peu plates tandis que les sublimes accords de la fin «Religiosamente» manquent de mystère. Le «Bal» est élégant et la «Scène aux champs» évocatrice mais la «Marche au supplice» est trop propre tandis que le «Songe d’une nuit de sabbat» ne décolle pas. A nouveau, il faut souligner la qualité musicale de l’ensemble, mais cette exécution manque de fantastique.


Il est difficile de sortir de cette soirée sans avoir le sentiment que ce programme est par trop confortable. Il est impossible aujourd’hui de ne pas avoir un grand succès avec la musique de Rachmaninov. Cela n’enlève rien aux qualités du soliste, mais pourquoi ne pas chercher à sortir des sentiers battus et par exemple explorer les concertos de Nikolaï Medtner, œuvres romantiques très brillantes, moins jouées mais d’une architecture plus originale. De même, Neeme Järvi s’est fait une spécialité de défendre des chefs-d’œuvre délaissés et vient justement de signer un CD passionnant d’œuvres orchestrales de Joachim Raff avec l’OSR (voir ici). Ne faudrait-il pas prendre plus de risques et ne pas hésiter à bousculer un public et des musiciens qui ne demandent que cela?


Le site d’Alexander Gavrylyuk



Antoine Leboyer

 

 

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