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Le charme éclatant du jeune Bizet

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03/25/2013 -  & 28*, 31 mars 2013
Georges Bizet: Les Pêcheurs de perles
Patrizia Ciofi (Leïla), Juan Diego Flórez (Nadir), Mariusz Kwiecien (Zurga, Acte I), Luca Grassi (Zurga, Actes II et III), Roberto Tagliavini (Nourabad)
Chœur et Orchestre du Teatro Real, Andrés Máspero (chef du chœur), Daniel Oren (direction musicale)


P. Ciofi & J.D. Flórez (© Javier del Real)


On peut répéter tous les lieux communs que l’on veut sur Les Pêcheurs de perles : un opéra de jeunesse, mineur mais plein de charme, une redoutable épreuve pour un ténor abordant un rôle hanté par la mémoire d’Alfredo Kraus, voire pour un soprano belcantiste ; un mauvais livret, etc. etc. Sans être un opéra mineur, ce n’est pas encore Carmen (on imagine le monde sonore de Carmen et Don José surtout dans le premier acte). Le trio protagoniste (plutôt trio que triangle) a besoin de voix d’un lyrisme intense frôlant le belcantisme pour les couleurs, et souvent pour les légatos, les respirations (filati), les nuances dynamiques, et même les agilités dans le très beau rôle de Leïla. Et si le livret n’est pas un chef-d’œuvre, on en a subi de pires. Après tout, l’exotisme naissant à l’époque (1863) a chatouillé l’imagination d’un jeune Bizet, peu voyageur lui-même.


Cet opéra se fait plutôt rare, mais finalement Les Pêcheurs de perles son arrivés au nouveau Teatro Real de Madrid conduits par le Péruvien Juan Diego Flórez (très aimé en Espagne) dans le rôle de Nadir. La tradition est bien connue dans tous les théâtres d’opéra à propos des voix « adorées ». Une voix n’est pas un instrument comme n’importe lequel, c’est un instrument humain, cela respire, cela a un cœur, une âme, et l’âme est de nature divine. Il n’est pas rare de voir, comme cette fois-ci, une grande partie du public conquis par le charme de la très belle voix de Juan Diego, par son aspect fragile, sa beauté et la sympathie qui se dégage de ce chanteur. A côté des spectateurs heureux, on voyait quelques dédaigneux, ou d’autres, s’indignant d’un tel succès et agitant le spectre des chanteurs du passé « Ah, Alfredo! ». Il est vrai que les pianissimi, les dynamiques inférieures ne sont pas les meilleurs atouts de Flórez. Mais sa voix de ténor léger qui fait merveille dans Rossini, possède une couleur vraiment belle, les portamenti (toujours attendus... et comment !) nous montrent un disciple doué et fidèle de l’école des grands Nadir, un rôle diabolique écrit pour les anges. Comme Juan Diego.


Les maladies ont été l’autre hantise des ces Pêcheurs : le baryton Mariusz Kwiecien (formidable Onegin dans la production de Tcherniakov) a une belle voix pouvant parvenir à de grandes expressions lyriques. Il l’a montré assez largement pendant le premier acte, pour les actes II et III, c’est le baryton Luca Grassi qui a du chanter le très difficile rôle de Zurga. (Il est vrai que dans Les Pêcheurs de perles on vit cette situation, si connue en musique, à l'opéra, où la grande difficulté de l’écriture demande, en revanche, une émission apparemment naturelle et commode). Luca Grassi a été salué chaleureusement par le public, reconnaissant de son effort et de sa prestation au pied levé pendant deux soirées.


Patrizia Ciofi, elle aussi souffrante, a tenu à chanter, développant malgré tout la beauté du rôle de Leïla avec un goût belcantiste insurpassable dans les agilités, le vibrato, le legato, ou encore dans la très belle fluidité de son phrasé, même si la méforme oblige à nuancer sa prestation. Le jeune Roberto Tagliavini, une basse promise à bel avenir (Ramfis, Almaviva) a honorablement tenu le rôle plus aisé de Nourabad.


L’ensemble était dirigé par l’Israélien Daniel Oren, agile et dynamique, conférant une musicalité à la hauteur du couple Ciofi-Flórez, ce qui est déjà énorme. Le chœur dirigé pas Andrés Máspero était, tout comme l’orchestre, excellemment préparé.


On peut se féliciter de la réussite de la version originale des Pêcheurs de perles dans les derniers décades, après plus de révisions continuelles imposées après la mort du compositeur (lequel, au demeurant, ne pensait plus trop aux Pêcheurs, il était dans un autre état, avec d’autres objectifs lorsque la mort l’a surpris si jeune.


Le succès a été incontestable, et le public de Madrid a su récompenser Ciofi et Oren, ainsi que le chœur et l’orchestre, sans se laisser aveugler par la seule vision du Péruvien bien aimé.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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