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Quelques bonnes surprises et pas mal d’ennui

Dijon
Auditorium
03/22/2013 -  et 24, 26, 28, 30 mars 2013
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527

Edwin Crossley-Mercer (Don Giovanni), Josef Wagner (Leporello), Diana Higbee (Donna Anna), Michael Smallwood (Don Ottavio), Timo Riihonen (Le Commandeur), Ruxandra Donose (Donna Elvira), Camille Poul (Zerlina), Damien Pass (Masetto)
Chœur de l’Opéra de Dijon, Mihaly Zeke (chef de chœur), Chamber Orchestra of Europe, Gérard Korsten (direction)
Jean-Yves Ruf (mise en scène), Anaïs de Courson (collaboration à la mise en scène), Laure Pichat (scénographie), Claudia Jenatsch (costumes), Christian Dubet (lumières), Caroline Marcadé (chorégraphie)


E. Crossley-Mercer, T. Riihonen (© Gilles Abegg)


Après lui avoir confié la saison dernière la mise en scène de l’Agrippina de Haendel, Laurent Joyeux, maître des lieux, a réinvité l’homme de théâtre Jean-Yves Ruf pour poursuivre la trilogie Da Ponte que l’Opéra de Dijon propose en trois saisons. Ainsi, après Così l’an passé (mis en scène par Martial Di Fonzo Bo), c’est Don Giovanni qui est actuellement à l’affiche de l’auditorium bourguignon, avant Les Noces de Figaro, prévu pour la saison prochaine.


Le choix de Ruf s’est porté sur la première version de l’ouvrage, celle de Prague (1787), c’est-à-dire que l’on n’y trouve pas le premier air de Don Ottavio «Dalla sua pace», ni le «Mi tradi» de Donna Elvira, tandis que l’on conserve le tableau final, qu’il est très à la mode de supprimer aujourd’hui. Son Don Giovanni s’avère en grande partie débarrassé de sa dimension mythique, sans y perdre au passage tout à fait son efficacité dramatique: voilà qui rafraîchit la vision conventionnelle de cet opéra, où la jouissance est au prix de la mort, où le barbaro appetito du héros le mène inéluctablement à sa fin. Ruf a visiblement pris fait et cause pour la dimension humaine, trop humaine de Don Giovanni, en en faisant un personnage plutôt désabusé, bien que de belle prestance, qui chemine au gré de sa fantaisie sur cet étrange décor unique, signé Laure Pichat, qui prend la forme d’une colline verdoyante et accidentée, d’où seuls émergent quelques joncs et deux ou trois palissades en bois. Conséquence de ces temps de crise (?), avouons que la scénographie fait vraiment cheap, mais surtout que la proposition scénique tourne vite en rond, avare qu’elle est d’imaginaire et d‘idées fortes (sans compter une direction d’acteurs bien discrète), l’ennui pointant ainsi rapidement le bout de son nez.


La soprano française Diana Higbee est une Donna Anna à la limite du supportable, et une erreur absolue de distribution. Pourquoi confier ce rôle de soprano lyrico-dramatique à une Lakmé ou une Olympia, dont on ne soit même pas sûr qu’elle en possède les aigus? Sa voix maigrelette et aigrelette, sa diction approximative de la langue de Dante, son souffle à la peine, ses écarts de justesse, ses vocalises appliquées et scolaires enfin, nous ont fait redouter chacune de ses apparitions. En revanche, avec une voix égale, un timbre chaud, sensuel et ductile, des aigus faciles, la Donna Elvira de la mezzo roumaine Ruxandra Donose domine somptueusement trio, quatuor et sextuor, et captive par son impétuosité en scène; d’autres mezzos ont abordé cet emploi plutôt destiné à un soprano lyrique, et elle s’en acquitte avec tous les honneurs, en chantant notamment un troublant «In quali eccessi, o numi». Elle s’impose, sans conteste, comme l’élément le plus enthousiasmant de la soirée. Pour sa part, la toute jeune et lumineuse Camille Poul (Zerlina), soprano dotée d’un joli timbre frais et fruité, elle semble promise à un bel avenir, si l’on en juge par la grâce avec laquelle elle incarne son personnage.


Le baryton-basse autrichien Josef Wagner campe probablement un des Leporello les plus convaincants du moment: voix bien conduite, musicalité affirmée, jeu empreint de naturel et de spontanéité. On est également séduit par le Don Ottavio du ténor australien Michael Smallwood, tout de tendresse et de poésie, phrasant avec élégance, dénué surtout de la raideur si fréquente dans ce rôle, psychologiquement difficile, d’amoureux transi. Son compatriote Damien Pass, qui avait retenu notre attention in loco dans Ariane et Barbe-Bleue en début de saison , confère mordant et hargne à Masetto. Quant au Finnois Timo Riihonen, il incarne un bien pâle Commandeur, à la voix peu sonore et manquant de stabilité.


Enfin, dans le rôle-titre, le français Edwin Crossley-Mercer ne démérite pas, avec son baryton chaud à la superbe couleur spécifique, capable de belles demi-teintes dans la fameuse sérénade; il évolue cependant avec un certain manque de vaillance vocale, mais souffre plus encore d’une carence d’aura et de démesure requises par son personnage – peut-être le prix à payer pour une vision plutôt flegmatique du héros.


Gérard Korsten, à la tête d’un Chamber Orchestra of Europe qu’on a connu plus subtil et alerte, laisse quelque peu sceptique en de multiples séquences: les passages bouffes sonnent comme écrasés et banalisés par des tempi trop tranquilles tandis que les pages serie manquent de vigueur et d’incisivité. Enfin, le chef sud-africain ne confère aucune énergie au récitatif et ne parvient jamais à caractériser les personnages. C’est bien dommage...



Emmanuel Andrieu

 

 

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