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Des solistes en état de grâce

Paris
Salle Pleyel
02/26/2013 -  
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 3, opus 37
Henri Dutilleux : Correspondances
Robert Schumann : Symphonie n° 3, opus 97, «Rhénane»

Barbara Hannigan (soprano), Mitsuko Uchida (piano)
Berliner Philharmoniker, Sir Simon Rattle (direction)


B. Hannigan (© Elmer de Haas)


Certains concerts de la saison sont plus attendus que d’autres : évidemment, la venue de l’Orchestre philharmonique de Berlin en fait partie. Ces deux concerts prennent en outre un relief d’autant plus important qu’ils s’effectuent dans un contexte très spécifique.


D’une part, comme le soulignent Aurélie Filippetti (ministre de la culture et de la communication), Susanne Wasum-Rainer (ambassadeur d’Allemagne en France) et Laurent Bayle (président de la salle Pleyel) en introduction du programme de salle, ces concerts se placent sous les auspices des célébrations du cinquantième anniversaire du Traité de l’Elysée, signé le 22 janvier 1963 entre le chancelier Adenauer et le général de Gaulle. Les festivités musicales ont certes déjà débuté le 22 janvier même avec le grand concert donné, en présence de la chancelière Angela Merkel et du président François Hollande, dans la salle de la Philharmonie, mais c’était alors l’Orchestre radio-symphonique de Berlin qui officiait, sous la baguette de Marek Janowski. Or, les Berliner Philharmoniker, par leur histoire et leur prestige, sont bien évidemment des ambassadeurs de tout premier choix lorsqu’il s’agit de contribuer à de telles célébrations, comme ils l’avaient d’ailleurs fait lorsqu’ils étaient venus donner sous la direction de Claudio Abbado, toujours salle Pleyel pour ce qui fut de leur étape parisienne, une inoubliable Troisième Symphonie de Mahler, le 12 octobre 1999, pour célébrer le cinquantième anniversaire de la création de la République fédérale d’Allemagne.


D’autre part, ces concerts ont lieu après que Sir Simon Rattle, l’actuel chef des Berliner (élu le 23 juin 1999), a récemment annoncé qu’il ne solliciterait pas de renouvellement de son mandat à la tête de l’orchestre, faisant ainsi naître toutes les rumeurs sur sa succession à compter de 2018. Pour cette nouvelle et brève tournée (une partie du programme ayant déjà été présentée soit à Essen soit à Berlin au cours des jours passés), Rattle et ses musiciens ont choisi la même formule que lors de leurs derniers passages rue du Faubourg Saint-Honoré: une œuvre contemporaine, une œuvre concertante et une œuvre symphonique tirée du grand répertoire. Tel avait été, en tout cas, le schéma retenu lors leur venue en mars 2007 ainsi que pour le premier de leurs deux concerts de février 2010 (voir ici et ici).


Comme ce fut donc le cas il y a exactement trois ans au jour près, le premier concert comportait un concerto pour piano de Beethoven interprété par Mitsuko Uchida: après le Quatrième, voici donc venu le temps du Troisième (1802). Berlin n’est pas une légende mais bel et bien une réalité: les cordes affirment d’emblée une cohésion et une puissance étonnantes, les bois solistes distillent un charme immédiat (saluons en particulier la clarinette d’Andreas Ottensamer, fils d’Ernst, clarinette solo... de l’Orchestre philharmonique de Vienne!). Mais c’est surtout Mitsuko Uchida qui rayonne. Son toucher témoigne d’une infinie délicatesse, ne faisant jamais preuve de brutalité (ce qui n’exclut pas la puissance sonore comme en a notamment témoigné la cadence du premier mouvement, Allegro con brio) et rappelant en plus d’une occasion la filiation mozartienne de l’œuvre. Les premières notes du deuxième mouvement, légèrement retardées par l’attente du plus complet silence, émaillé par quelques toux intempestives, impressionnent par l’évocation d’un total apaisement, climat dont Uchida ne se départira jamais, jouant les dernières notes avec une incroyable lenteur qui suscite d’ailleurs une très légère fébrilité chez Rattle, avant que celui-ci ne fasse signe aux cordes de conclure. Enchaînant immédiatement avec le Rondo. Allegro, elle conclut ce concerto avec la plus grande finesse et se voit fort logiquement, ainsi que l’orchestre, ovationnée par le public.


Etape à la fois française et contemporaine du programme, la seconde partie du concert débutait par les Correspondances d’Henri Dutilleux. Donné en première mondiale à Berlin le 5 septembre 2003 par ses dédicataires, Dawn Upshaw et le Philharmonique dirigé par Sir Simon Rattle, ce cycle de mélodies ne comportait initialement que quatre pièces. Il s’est enrichi par la suite d’une cinquième, «Gong 2», placée en quatrième position: la création française et complète de l’œuvre eut finalement lieu le 16 septembre 2004, la soliste étant déjà Barbara Hannigan, sous la baguette de Kurt Masur qui dirigeait alors l’Orchestre national de France.


La soprano canadienne livre ce soir une interprétation de toute beauté même si, étrangement d’ailleurs pour une habituée de cette pièce (qu’elle vient d’ailleurs d’enregistrer très récemment pour Deutsche Grammophon sous la direction d’Esa-Pekka Salonen, à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio-France), sa diction n’est pas toujours très claire, de telle sorte qu’on a souvent du mal à reconnaître la langue de Molière. Toujours est-il que son implication est totale, Rattle jouant admirablement sur la diversité des timbres de la partition (dont la richesse s’illustre par quelques accords d’accordéon dans la «Danse cosmique» et quelques interventions du célesta dans «A Slava et Galina») grâce à un orchestre qui semble s’être véritablement approprié l’œuvre.


Enfin, le concert se concluait par une très classique Troisième Symphonie (1850) de Schumann, que Rattle semble apprécier tout particulièrement puisqu’il l’a déjà donnée avec les Wiener en juin 2012 à Paris puis avec les Berliner en novembre 2012 à Genève. Certes, le résultat est beau: comment d’ailleurs ne le serait-il pas lorsque Guy Braunstein est au poste de Konzertmeister, que le pupitre de quatre cors est emmené par Stefan Dohr et que le flûtiste solo est Andreas Blau? Pour autant, cette interprétation frappe davantage par son caractère conquérant, péremptoire pourrait-on dire, que par sa stricte séduction. Sir Simon Rattle en est pourtant bien évidemment capable: souvenons-nous de sa fantastique prestation viennoise au Théâtre des Champs-Elysées! Ce soir, c’est surtout le quatrième mouvement (Feierlich), qui impressionne grâce à un pupitre de cuivres superlatif, la petite harmonie étant également du plus haut niveau tout au long de la symphonie. Il faut donc attendre seulement le deuxième rappel pour que le public de la Salle Pleyel, comble, crie son enthousiasme. Pour autant, celui-ci n’aura droit à aucun bis, les musiciens se quittant après s’être serré la main, laissant le public avec peut-être une légère frustration. Le sentiment du devoir accompli, en quelque sorte.


Le site de Simon Rattle
Le site de Mitsuko Uchida
Le site de Barbara Hannigan
Le site de l’Orchestre philharmonique de Berlin



Sébastien Gauthier

 

 

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