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Moment de grâce

Geneva
Grand Théâtre
01/28/2013 -  et 29, 31 janvier, 2, 3, 5, 7, 9, 10, 12* février 2013
Giuseppe Verdi: La traviata
Maria Alejandres*/Agneta Eichenholz/Patrizia Ciofi* (Violetta Valéry), Leonardo Capalbo*/Daniel Johansson (Alfredo Germont), Tassis Christoyannis*/Simone Del Savio (Giorgio Germont), Marie-Thérèse Keller (Flora Bervoix), Elisa Cenni (Annina), Daniel Djambazian (Le Docteur Grenvil), Fabrice Farina (Gaston de Leorieres), Ludwig Grabmeier (Le Baron Douphol), Khachik Matevosyan (Marquis d’Obigny), Terige Sirolli (Giuseppe), Cho Peter Beakeum (Le Commissionnaire), Wolfgang Barta (Un domestique de Flora)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Ching-Lien Wu (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, Baldo Podic (direction musicale)
David McVicar (mise en scène), Bruno Ravella (reprise de la mise en scène), Tanya McCallin (décors et costumes), Jennifer Tipton (lumières), Andrew George (chorégraphie)
Coproduction avec le Welsh National Opera, le Scottish Opera et le Gran Teatre del Liceu


M. Alejandres, L. Capalbo (© GTG/Yunus Durukan)


A l’opéra, il peut arriver, certains soirs, que le spectacle ronronne paisiblement, la partition égrenant tranquillement ses notes en laissant le spectateur plus ou moins indifférent, jusqu’à ce que, de manière soudaine et parfaitement inattendue, une étincelle jaillisse, un moment fort qui extirpe alors l’auditoire de sa torpeur et laisse un souvenir durable dans les mémoires. C’est exactement ce qui s’est produit lors de la première de La Traviata à Genève. Il a fallu attendre le troisième et dernier acte, avec le célèbre «Addio del passato», pour que l’émotion s’invite enfin au spectacle. Maria Alejandres, qui interprète la courtisane Violetta Valéry, lance deux «E tardi» glaçants, qui donnent d’emblée la chair de poule. Puis la jeune chanteuse mexicaine – plutôt scolaire et appliquée dans les vocalises du premier acte et quelque peu empruntée dans le deuxième – enchaîne son air avec passion et désespoir, admirable de justesse et de vérité, lâchant à la face du monde ses regrets et sa peur de mourir. Chacun retient son souffle, les quintes de toux du public, qui jusqu’ici n’avaient pas cessé, s’estompent comme par magie. La soprano oublie le beau chant, sa voix se fait rauque, elle devient douleur et rage à la fois, elle annonce la mort imminente. L’interprète se fond finalement dans son personnage. Moment de grâce.


Comme galvanisé par sa partenaire, le ténor Leonardo Capalbo, jusque-là paralysé par un vilain vibrato et engorgé vocalement, gauche et peu concerné scéniquement, se laisse lui aussi submerger par l’urgence et l’émotion pour donner véritablement substance à Alfredo. Tassis Christoyannis, au phrasé et au legato admirables, campe un Giorgio Germont à la prestance noble et altière, comme indifférent à tout ce qui l’entoure. Il convient par ailleurs de relever l’excellente prestation d’Elisa Cenni en Annina et, une nouvelle fois, la remarquable performance du chœur. Pour le reste, on retiendra la direction atone et sans grand relief de Baldo Podic, ainsi que la mise en scène archiclassique, pour ne pas platement conventionnelle, de David McVicar, certes visuellement très réussie, avec ses subtils jeux de couleurs et de lumières rehaussés par de longues tentures, mais qui n’apporte aucun éclairage nouveau sur l’œuvre. Pas bien grave en fin de compte, tant l’«Addio del passato» de Maria Alejandres a retenti comme un électrochoc.



P. Ciofi (© GTG/Yunus Durukan)


Cette production aura également permis au public genevois d’applaudir dans le rôle-titre, pour trois soirs seulement, Patrizia Ciofi, assurément l’une des meilleures Violetta de notre époque. Si le timbre de la soprano italienne n’est peut-être pas des plus séduisants ni la projection des plus puissantes, la voix est toujours très présente et l’identification au personnage très forte, qu’il s’agisse de la courtisane sûre d’elle du début à la femme intensément amoureuse puis entièrement fragilisée. La chanteuse éblouit par sa grâce, sa musicalité et son sens des nuances, avec de magnifiques clairs-obscurs. Pas totalement à son aise au premier acte, avec quelques aigus étriqués et des vocalises manquant parfois d’éclat, l’interprète donne la pleine mesure de son talent dès le deuxième acte, avec un «Dite alla giovine» d’une intense émotion, culminant avec un «Amami Alfredo» poignant. Au dernier acte, l’«Addio del passato» est empreint de fragilité et de mélancolie, mais aussi de résignation. Du tout grand art, assurément, auquel il aura peut-être manqué le désespoir et la folie qui font les Traviata d’exception. Mais les spectateurs genevois ont eu raison de ne pas bouder leur plaisir et d’ovationner la star pendant plus de dix minutes au rideau final. La Traviata genevoise de Patrizia Ciofi restera dans les annales du Grand Théâtre.



Claudio Poloni

 

 

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