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Violetta redécouverte

Bordeaux
Grand Théâtre
11/20/2000 -  8, 10, 12, 15, 17 novembre
Giuseppe Verdi : La Traviata
Mireille Delunsch (Violetta), Claire Larcher (Flora), Nicole Monestier (Annina), Zvetan Michailov (Alfredo), Ludovic Tézier (Germont), Pierre Espiaut (Gastone), Jean-Philippe Marlière (Douphol), Fernand Bernadi (Grenvil)
Orchestre National Bordeaux Aquitaine, Maurizio Benini (direction)
Francesca Zambello (mise en scène), Marina Draghici (décors et costumes), Alan Burrett (lumières)

Il serait présomptueux d’affirmer, sur la seule foi de ces débuts, que déjà s’écrit l’histoire du rôle. L’évidence pourtant s’impose : celle d’une présence physique, sans laquelle il n’est pas de Traviata qui vaille, faite de beauté hollywoodienne, de gestes raffinés et fiévreux. Celle d’une intelligence dramatique et musicale qui laisse loin derrière les concurrentes, Gheorghiu comprise. Celle enfin d’un timbre idéalement placé et équilibré, avec la vraie chaleur du médium que l’artiste n’a nul besoin de forcer et l’irrésistible lumière d’un aigu opalescent. Alors, oui, c’était à Bordeaux, dans une salle propice à la confidence, et la voix doit encore gagner en ampleur (« Amami Alfredo », suivant un récit bouleversant), comme est perfectible la phonation de l’italien (l’esprit des mots, lui, est bien là), comme les ultimes mesures de la cabalette au premier acte trahissent un manque de familiarité avec la vocalisation belcantiste. Quelle Violetta n’a pas ses défauts ? Celle de Mireille Delunsch renoue au deuxième et troisième acte avec une légende qu’on croyait définitivement prisonnière des vieilles cires, animant la précision instrumentale de « Dite alla giovine », « Alfredo, Alfredo», «Parigi o cara» d’une extraordinaire variété de nuances, trouvant pour « Morro » et « Addio del passato » un élan du phrasé, une sincérité d’accents qui brisent le coeur et font couler ces larmes taries depuis trop d’années.
A ses côtés, Ludovic Tézier est un Germont de grande classe, prenant clairement la relève des grands barytons d’école française qui ont toujours fait la gloire de Verdi. Voix puissante et admirablement projetée, timbre riche et brillant sur l’ensemble de la tessiture, ligne de chant souple et magnifiquement soutenue. On ne peut hélas en dire autant d’un Alfredo godiche et hurleur bien que solide - sans donner dans le nationalisme primaire, il nous fait regretter que la distribution ne soit pas à cent pour cent française ! Car les seconds rôles tiennent dignement leur rang (en particulier le prometteur Franck Bernadi en docteur Grenvil), témoignant de la cohérence en la matière des choix de distribution de l’Opéra National de Bordeaux. On a pu ailleurs rester insensible à l’art de Maurizio Beninini ; sa lecture force ce soir l’admiration, contrastant les tempos avec une remarquable efficacité dramatique (l’âpreté du jeu de cartes chez Flora), travaillant avec finesse et vigueur l’articulation des phrases, soutenu par un orchestre concerné et d’autant plus méritoire que la position de la fosse ne favorise pas une balance naturelle entre pupitres - les bassons en particulier sonnent comme s’ils avaient décidé de ne faire qu’une bouchée de tous leurs collègues. La production est celle de Francesco Zambello créée en 1997 pour une autre prise de rôle, celle de Leontina Vaduva. Conventionnelle pour le cadre comme pour la direction d’acteurs, traits de dramaturgie fortement appuyés mais évitant tout contresens, avec un vrai grand moment de théâtre au dernier acte, vécu à la manière d’un cauchemar où l’isolement de l’héroïne est renforcé par le retour sur scène des autres protagonistes dont aucun, pas même Alfredo, n’établira de contact physique avec elle. Delunsch s’investit avec une telle puissance dans ce délire que notre impatience de l’y retrouver s’en accroît encore.



Vincent Agrech

 

 

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