About us / Contact

The Classical Music Network

Baden-Baden

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Sueurs froides

Baden-Baden
Festspielhaus
12/31/2012 -  
Airs et ouvertures de Verdi, Rossini, Donizetti, Offenbach, Cole Porter, Rimski-Korsakov, Johann Strauss II, Kálmán et Lehár
Olga Peretyatko (soprano), Rolando Villazón (ténor), Thomas Hampson (baryton)
Radio-Sinfonieorchester Stuttgart des SWR, Andrés Orozco-Estrada (direction)


R. Villazón, O. Peretyatko, T. Hampson


Festspielhaus comble à Baden-Baden, à l’occasion de ce gala lyrique dont le générique aligne de beaux noms accrocheurs. Le désistement de Natalie Dessay est déjà oublié depuis plusieurs semaines, puisque Thomas Hampson et Rolando Villazón paraissent finalement en compagnie d’Olga Peretyatko, étoile montante du chant russe appelée à la rescousse pour compléter la soirée du côté des fréquences aiguës. Public allemand tiré à quatre épingles pour cet ultime concert de l’année, et moyenne d’âge particulièrement élevée, ce que le prix des places exigé pour ce gala de luxe explique sans doute en grande partie.


Par ordre d’apparition en scène commençons par l’Orchestre Radio-Symphonique du SWR de Stuttgart, phalange qui brille par quelques individualités intéressantes (clarinette, hautbois...) mais se fond la plupart du temps dans un relatif anonymat de bonne formation de moyenne gamme. Ni Rossini, ni Verdi ne paraissent lui convenir vraiment bien, et le manque de cohésion des cuivres n’assure aucune distinction particulière à ce programme essentiellement brillant. Quant à la gesticulation constante du jeune chef Andrés Orozco-Estrada, elle n’arrange rien. Est-il vraiment croyable que des responsables politiques locaux aient pu voter la fusion à court terme de ces musiciens passe-partout avec leur prestigieux voisin, l’Orchestre du SWR de Baden-Baden et Freiburg, l’un des plus brillants ensembles allemands, véritable orchestre de solistes ? Ne serait-il pas temps de manifester dans la rue pour arrêter ce processus de compression économique absurde, véritable massacre culturel programmé pour 2016 et déjà sérieusement décidé en haut lieu ?


Honneur aux dames : après une Ouverture des Vêpres siciliennes cravachée sans répit Olga Peretyatko peut briller dans le Boléro d’Elena extrait du même opéra. Ce type de virtuosité ne lui pose aucun problème, à un extrême aigu un peu tendu près, même si cette jolie voix de colorature paraît à terme devoir évoluer vers des emplois plus lyriques, avec heureusement une vraie marge de progression que l’on devine déjà. Même constat en seconde partie pour un air d’Olympia des Contes d’Hoffmann qui manque un peu de précision (le souvenir de la Natalie Dessay des grandes années, voire la concurrence aujourd’hui d’une Diana Damrau, sont difficiles à oublier).


Inusable Thomas Hampson ! Au fil des saisons le baryton américain est même parvenu à nous faire croire qu’il pouvait assumer correctement ces emplois verdiens dans lesquels il ne paraissait pas initialement convaincant. Renato du Bal masqué le prend ici un peu trop à froid, avec des difficultés à donner de la substance à un aigu exposé, mais finalement un solide professionnalisme l’emporte et les dernières phrases de l’air sont parfaitement envoyées. En seconde partie l’irrésistible «Where Is The Life That Late I Led» extrait de Kiss me Kate de Cole Porter ne fonctionne pas vraiment bien. Les savoureuses paroles de cette pochade, impossibles à projeter selon une technique d’opéra traditionnelle, se perdent quelque peu dans le vaste vaisseau du Festspielhaus. Ici une amplification discrète aurait été appréciable. Aucun problème en revanche au cours d’un solide duo Gilda-Rigoletto, conclu comme il se doit par Olga Peretyatko avec un contre mi bémol bien senti.


Et Rolando Villazón ? En méforme ! Une fois de plus. Voire une fois de trop... On finira bien par devoir l’écrire. L’air de Riccardo extrait d’Oberto de Verdi, qui expose l’aigu de la tessiture avec prudence, fait illusion. Mais dès le duo Don Carlo/Posa extrait de Don Carlo le ténor vacille, couvert par l’orchestre voire dangereusement aphone au cours des première répliques. Sans l’abnégation de Thomas Hampson qui paraît escorter de la voix un chanteur invalide, la catastrophe serait inévitable. Après l’entracte une annonce discrète parle d’un «refroidissement», ce qui n’empêche pas Villazón de persévérer dans un duo de L’elisir d’amore bien peu musical et dans une Danza de Rossini certes agile mais presque inaudible.


Encore un accident de parcours à déplorer, pour un chanteur dont désormais la fiabilité paraît mince, à un niveau de réputation où l’on serait quand même en droit d’attendre une régularité minimale ? Dans ce contexte les efforts de l’interprète pour mettre le public dans sa poche par toutes sortes de jeux de scène amusants (y compris jongler avec trois oranges tout en vocalisant dans Donizetti) paraissent bien vains, voire irritants. Villazón, qui a encore tant de choses passionnantes à nous faire partager parfois, quand il le peut, doit-il vraiment persévérer ? En vue de la retransmission de ce concert sur Arte, en prudent différé, mais d’à peine une heure, les techniciens ont réussi de prodigieux tours de passe-passe sur le vif, coupant ceci, aménageant cela... en définitive que de sueurs froides pour tout le monde ! Faudrait-il au moins que Villazón renonce provisoirement à l’exercice sans filet du concert public et prenne le temps de se reconstruire au calme une vraie technique de chant, fiable, solide ?


Plusieurs bis d’opérette viennoise, ambiance bon enfant et vœux polyglottes de circonstance... Le public se disperse à l’issue d’une soirée copieuse, souvent belle, parfois pénible. Meilleurs voeux à tous pour 2013, y compris à notre toujours formidablement sympathique Rolando Villazón !



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com