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Rossini pour les fêtes

Marseille
Opéra municipal
12/29/2012 -  et 31 décembre, 2, 4, 6 janvier 2013
Gioacchino Rossini : L’Italiana in Algeri

Marie-Ange Todorovitch (Isabella), Eduarda Melo (Elvira), Carol Garcia (Zulma), Alex Esposito (Mustafà), Frédéric Antoun (Lindoro), Marc Barrard (Taddeo), Patrick Delcour (Haly)
Chœur de l’Opéra de Marseille, Pierre Iodice (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Marseille, Giuliano Carella (direction)
Nicola Berloffa (mise en scène et costumes), Rifail Ajdarpasic (décors), Gianluca Antolini (lumières)


F. Antoun, A. Esposito, M.-A. Todorovitch, M. Barrard
(© Christian Dresse)




Troquant Offenbach contre Rossini, l’Opéra de Marseille a opté, pour les fêtes de fin d’année, pour le plus drôle des opéras du Cygne de Pesaro, L’Italienne à Alger. Nous avons encore un souvenir à la fois ébloui et ému de la dernière production de l’ouvrage ici même, c’était en 1995, elle était signée Jean-Pierre Ponnelle, et l’affiche réunissait rien de moins que Lucia Valentini-Terrani, Rockwell Blake et Ruggero Raimondi. Soirée de légende et de délire collectif, que nous n’avons pas revécue ce soir, mais c’était un autre temps...


Trait d’union entre le cru 1995 et celui de 2012 (et principal motif de satisfaction de la soirée), on retrouve le formidable chef italien Giuliano Carella (directeur musical de l’institution voisine de Toulon), toujours d’un raffinement extrême dans sa direction. Dès les premiers accords de l’Ouverture, chaque note et chaque intonation semblent étudiées dans le moindre détail, en un jeu de dynamiques particulièrement varié, des pianissimi les plus évanescents aux fortissimi les plus contrôlés. Discipliné comme jamais, l’Orchestre de l’Opéra de Marseille lui répond comme un seul homme, cette partition souvent jugée «légère» retrouvant ce soir sa vérité.


Signataire d’une remarquable production in loco du Voyage à Reims de Rossini, le jeune metteur en scène Nicola Berloffa récidive – avec un peu moins de maestria cependant – en jouant la carte de la fidélité au livret et en traitant l’ensemble à la manière d’une turquerie classique, avec quelques clins d’œil appuyés au monde musulman d’aujourd’hui: pour leur air d’entrée, les eunuques apparaissent porteurs de lunettes noires et affublés de voiles noirs eux aussi qui les recouvrent intégralement. Mais Isabella fait bientôt irruption dans l’univers du sérail (magnifique décor tripartite conçu par Rifail Ajdarpasic) avec ses atours parisiens des années folles (superbes costumes dessinés par Berloffa lui-même), pour chambouler cette douceur de vivre à l’orientale, le vinaigre (balsamique) supplantant très vite le loukoum!


Annoncé souffrant, Alex Esposito domine pourtant la distribution et incarne un Mustafà exemplaire de présence scénique et de drôlerie, notamment en «Pappataci». La basse italienne fait valoir une voix puissante et agressive, d’une grande ductilité cependant, magnifiquement timbrée et aux vocalises soignées, qui font mouche dans l’aria «Già d’insolito ardore in petto». Malheureusement, sa laryngite l’empêche d’atteindre les quelques notes très aiguës que comporte sa partie, mais sans que le public ne lui en témoigne la moindre rigueur, lui offrant même la plus grosse salve d’applaudissements au moment des saluts.


Grande habituée des lieux (elle reviendra le mois prochain pour chanter sa première Clytemnestre dans l’Elektra de Strauss) et artiste pour laquelle nous avons la plus grande affection, Marie-Ange Todorovitch n’a peut-être pas trouvé ce soir son meilleur emploi. Mezzo aigu, la chanteuse montpelliéraine s’avère bien plus sur son terrain d’élection avec Rosina ou Cenerentola qu’avec Isabella: confrontée à une tessiture trop grave pour elle, elle est inévitablement contrainte à grossir artificiellement le médium, aboutissant à des sonorités parfois gutturales. L’agilité et l’éclat de l’aigu s’en ressentent, de même que sa prononciation de la langue de Dante. Quant aux vocalises, elles n’ont pas toujours l’impact escompté, notamment dans l’allegro du rondo final «Qual piacer! Fra pochi istanti», négocié avec beaucoup de prudence. Avec un art consommé de la scène et toujours aussi superbement engagée, elle «se coule» en revanche sans heurt dans ce rôle de prima donna.


Le ténor canadien Frédéric Antoun (naguère superbe Prince charmant ici même dans la Cendrillon de Massenet), avec une voix superbement projetée et étonnamment puissante pour cette partie généralement confiée à un tenorino, rend pleinement justice au rôle de Lindoro, avec une belle virtuosité dans la vocalisation et une sûreté dans l’aigu qui font merveille dans l’exécution du fameux air «Languir per una bella». Si la couleur de son timbre est incontestablement plus belle que celle de Rockwell Blake – pour évoquer à nouveau le dernier Lindoro marseillais –, Antoun ne connaît cependant pas l’art de la messa di voce (question de format vocal sans doute), qui était l’apanage de son illustre homologue américain.


Le baryton nîmois Marc Barrard dessine un Taddeo désopilant, ajoutant à ses incroyables dons d’acteur une conduite scrupuleuse de la ligne, particulièrement efficace dans le difficile «Ho un gran peso sulla testa». On signalera encore l’excellent Haly de Patrick Delcour, qui caractérise son personnage avec beaucoup de verve et délivre avec non moins d’esprit son air du sorbet. Enfin, Carol Garcia campe une Zulma de grand relief tandis qu’Eduarda Melo, dans le rôle d’Elvira, accuse trop de fixités dans l’aigu.



Emmanuel Andrieu

 

 

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