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Un cygne qui ne trompe pas

Milano
Teatro alla Scala
12/07/2012 -  et 11, 14, 18*, 21, 27 décembre 2012
Richard Wagner: Lohengrin
René Pape (Heinrich der Vogler), Jonas Kaufmann (Lohengrin), Annette Dasch/Ann Petersen/Anja Harteros* (Elsa von Brabant), Tómas Tómasson (Friedrich von Telramund), Evelyn Herlitzius (Ortrud), Zeljko Lucic (Der Heerrufer des Königs)
Coro del Teatro alla Scala, Bruno Casoni (préparation), Orchestra del Teatro alla Scala, Daniel Barenboim (direction musicale)
Claus Guth (mise en scène), Christian Schmidt (décors et costumes), Volker Michl (chorégraphie), Olaf Winter (lumières), Ronny Dietrich (dramaturgie), Renzo Musumeci Greco (maître d’armes)


(© Monika Rittershaus)


L’ouverture de la saison de la Scala – traditionnellement le 7 décembre, jour de la Saint-Ambroise, patron de la ville de Milan – est l’un des événements artistico-mondains les plus importants en Italie, relaté en long et en large dans tous les médias de la péninsule. Chaque année, les polémiques vont bon train. A la veille du bicentenaire Verdi-Wagner de 2013, certains, animés d’un sentiment nationaliste douteux, n’ont rien trouvé de mieux à faire que de pousser des cris d’orfraie pour s’indigner du fait que l’honneur de l’ouverture puisse échoir au compositeur allemand – avec Lohengrin – plutôt qu’à l’italien, de surcroît dans un théâtre considéré comme le «fief» de Verdi. On n’en croit pas nos oreilles! Et c’est le président de la République en personne (!!) qui a dû intervenir pour calmer le jeu, qualifiant le débat de «futile». Décidément, il n’y a qu’en Italie que l’opéra déchaîne encore de telles passions...


La polémique apparaît d’autant plus dénuée de sens que ce Lohengrin d’ouverture de saison se révèle un spectacle mémorable. Grâce tout d’abord à Jonas Kaufmann, chevalier du Graal tout simplement prodigieux. Comment ne pas s’émerveiller en effet des pianissimi incroyables osés par le ténor allemand, à la limite de l’audible, des nuances dont il pare son chant, de sa maîtrise de l’émission et de son phrasé irréprochable? Ce faisant, il insuffle une fragilité émouvante à son personnage, qui devient du coup un anti-héros, un homme incompris, vivant en marge de la société. René Pape ne lui cède en rien, campant un Heinrich royal, confondant d’autorité et de dignité, avec une projection exemplaire. La quatrième représentation est la première pour Anja Harteros, qui s’est remise d’une indisposition. Elle incarne une Elsa touchante de fragilité, comme étrangère à tout ce qui l’entoure, avec une extraordinaire maîtrise de la ligne de chant, des sons éthérés et un timbre d’une luminosité rayonnante. Evelyn Herlitzius fait, elle aussi, forte impression, conférant à Ortrud une rage et une agressivité hors du commun, avec çà et là un chant à la limite du cri. Le Telramund de Tómas Tómasson est un traître plus vrai que nature, alors que Zeljko Lucic donne des accents incisifs au héraut. Dans la fosse, Daniel Barenboim, impérial, pousse l’Orchestre de la Scala vers des sommets et livre une lecture d’un rare équilibre, avec, dans les moments de paroxysme, des flamboiements et des déchaînements de violence et de passion inouïs, qui contrastent, dans les passages plus lyriques, avec des accents épurés et intimistes, d’une profonde intensité, sans oublier les noirceurs inquiétantes du IIe acte. Quant au chœur, si important dans Lohengrin, il livre une prestation superlative. Les oreilles sont à la fête!


La mise en scène constitue, malheureusement, le seul bémol du spectacle. Claus Guth, qu’on a connu autrement plus inspiré à Salzbourg avec son cycle Mozart-Da Ponte ou à Zurich avec Tristan et Isolde, signe ici une production aussi alambiquée qu’inaboutie. Point de cygne, ni de chevaliers moyenâgeux: l’action est transposée à l’époque de la création de l’ouvrage (1850), dans un intérieur bourgeois où seule une table occupe l’espace, sorte de huis-clos étouffant dans lequel vont se déchaîner des sentiments trop longtemps étouffés. Adepte de la psychanalyse, le metteur en scène se concentre sur Elsa, traumatisée par la mort de son frère. Névrosée, bourrée de tics, la jeune fille a une fâcheuse tendance à tomber par terre à la moindre contrariété. Elle fantasme sur Lohengrin, croyant revoir son frère en cet inconnu qui vient de loin, avec lequel elle forme un couple fusionnel, voire incestueux. A la fin de l’ouvrage, le frère apparaît sous forme de clone de Lohengrin. On relèvera néanmoins la très belle scène d’amour qui ouvre le IIIe acte, au bord d’une rivière bordée de roseaux. Les adeptes de Freud apprécient peut-être, les autres nettement moins, mais ne boudent pas leur plaisir tant les voix et l’orchestre comblent les attentes les plus élevées.



Claudio Poloni

 

 

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