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Une Ariane poétique contre les assauts de l’hiver

Dijon
Auditorium
12/07/2012 -  et 9, 11 décembre 2012
Paul Dukas : Ariane et Barbe-Bleue

Jeanne-Michèle Charbonnet (Ariane), Damien Pass (Barbe-Bleue), Delphine Haidan (La Nourrice), Carine Séchaye (Sélysette), Gaëlle Méchaly (Ygraine), Emmanuelle de Negri (Mélisande), Daphné Touchais (Bellangère), Erifili Stefanidou (Alladine), François Echassoux (Le vieux paysan), Jean Fischer (Le deuxième paysan), Jocelyn Desmares (Le troisième paysan)
Chœur de l’Opéra de Dijon, Mihàly Zeke (chef de chœur), Orchestre Dijon Bourgogne, Daniel Kawka (direction musicale)
Lilo Baur (mise en scène), Sabine Theunissen (scénographie), Greta Goiris (costumes), Gilles Gentner (lumières)


(© Gilles Abegg/Opéra de Dijon)


La rareté de l’œuvre est suffisante à faire des représentations dijonnaises un événement en soi. Certes les mélomanes parisiens avaient pu l’entendre en 2007 dans la contestable et contestée mise en scène d’Anna Viebrock, jamais reprise – il n’y a là peut-être nul hasard. Mais toute la difficulté de cette partition oscillant entre wagnérisme et filiation d’avec Pelléas et Mélisande tient à sa nature parabolique qu’il est toujours risqué de vouloir expliciter ou immerger dans quelque réalisme topographie – solution retenue par Claus Guth à Barcelone, où l’héroïne arrivait dans un simulacre de bourgeoise demeure germanoforme. Avec des ligneux panneaux réversibles et quelques pâles armatures pour toute frondaison, la scénographie imaginée par Sabine Theunissen se maintient dans les limites d’un symbolisme onirique où l’univers de Maeterlinck se glisse admirablement, et que les lumières de Gilles Gentner rehaussent avec non moins de délicatesse. Très illustrative, la dramaturgie de Lilo Baur pèche cependant çà et là par une relative paresse herméneutique: les ruissellements de gemmes au premier tableau manquent d’un peu de relief, tout comme à la fin de l’ouvrage l’échec de la libération des femmes de Barbe-Bleue, véritable nœud théâtral, où la direction d’acteurs semble abandonnée à elle-même. Si l’on reste un peu sur sa faim, le dispositif évite au moins tout impair esthétique.


Annoncée souffrante ainsi que la Nourrice de Delphine Haidan au début de la soirée par Laurent Joyeux, le directeur de la maison, Jeanne-Michèle Charbonnet ne montre guère de stigmates morbides dans la voix aux deux premiers actes, qu’elle assure avec une endurance remarquable. Sollicitée sans répit, elle affirme une Ariane aimante et volontaire jusqu’au bout. Si elle n’altère pas une prononciation plus intelligible qu’en d’autres occurrences d’un rôle qu’elle semble bien être l’une des seules à pouvoir assurer, elle qui fut entre autres Isolde, la fatigue finit par éroder au dernier acte l’instrument et l’engagement dramatique, quelque peu retenu dans une gangue de pudeur aux ressources exploitées sans consistance.


Si l’impact du refroidissement s’avère moins sensible sur Delphine Haidan, le rôle de la Nourrice étant nettement plus circonscrit, on apprécie la mise en valeur des cinq épouses, que la mise en scène n’écrase pas sous le poids d’Ariane. Carine Séchaye réchauffe Sélysette de son mezzo charnu, qui contraste avec la diaphane Ygraine de Gaëlle Méchaly. Emmanuelle de Negri distille une Mélisande sensible aux côtés de la Bellangère à la naïveté un rien maladroite composée par Daphné Touchais et de la mutique mais non moins émouvante Alladine campée par Erifili Stefanidou. Il n’est pas jusqu’aux apparitions masculines qui ne se distinguent avantageusement de la trame narrative, à commencer par le Barbe-Bleue aussi concis verbalement que présent scéniquement de Damien Pass, jeune encore mais au tempérament certain déjà. Les trois paysans (Jean Echassoux, Jean Fischer, Jocelyn Desmares) se succèdent efficacement dans leurs répliques respectives.


On saluera le travail effectué par Mihàly Zeke à la tête du Chœur de l’Opéra de Dijon ainsi que la direction précise de Daniel Kawka, suscitant des couleurs parmi les pupitres de l’Orchestre Dijon Bourgogne qui ne demandent qu’à s’épanouir un peu plus librement.



Gilles Charlassier

 

 

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