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Chapeau les artistes!

Nantes
Théâtre Graslin
11/25/2012 -  et 27, 30 novembre, 2*, 4 (Nantes), 16, 18, 20 décembre (Angers) 2012
Nino Rota : Il cappello di paglia di Firenze

Philippe Talbot (Fadinard), Hendrickje van Kerckhove (Elena), Peter Kalman (Nonancourt), Boris Grappe (Emilio), Elzbieta Szmytka (Anaïde, La Modiste), Claudio Otelli (Beaupertuis), Elena Zilio (La Baronne), Beau Palmer (L’Oncle Vézinet), Emanuele Giannino (Felice, Achille de Rosalba), Jean-Louis Meunier (Un Garde, Minardi), Guy-Etienne Giot (Le Caporal)
Patrice Caurier et Moshe Leiser (mise en scène), Christian Fenouillat (décors), Agostino Cavalca (costumes), Christophe Forey (lumières)
Chœur d’Angers Nantes Opera, Sandrine Abello (direction), Orchestre National des Pays de la Loire), Giuseppe Grazioli (direction musicale)


(© Jeff Rabillon)


Décidemment, le Chapeau de paille d’Italie revient en force. La Comédie-Française affiche en effet, depuis le mois dernier et jusque janvier, la pièce en cinq actes d’Eugène Labiche et Marc Michel (1851). Malgré l’impression mitigée que nous a laissé le travail scénique de Giorgio Barberio Corsetti, Danièle Lebrun et Christian Hecq sont irrésistibles en baronne de Champigny et Nonancourt, et valent à eux seuls le déplacement. Et voilà qu’au même moment Angers Nantes Opéra reprend, de son côté, la version lyrique de la comédie de Labiche, Il cappello di paglia di Firenze, l’une des plus brillantes compositions de Nino Rota, surtout célèbre pour avoir écrit la musique des films de Fellini.


Rappelons le synopsis: parce que le matin de ses noces son cheval mange un chapeau de paille, celui de Mme Anaïs Beaupertuis en plein rendez-vous avec son amant militaire, Fadinard va devoir se lancer à la recherche d’un couvre-chef de substitution, rigoureusement identique au premier, car le mari de la dame, qui s’est barricadé chez lui, est violent et jaloux. Pour ne pas éveiller les soupçons de son futur beau-père, qui arrive avec toute la noce, il entraîne cette dernière dans sa quête folle, qui le mène chez une modiste, laquelle l’envoie chez une baronne, qui l‘envoie... chez le mari de la dame volage. Une multitude de quiproquos s’ensuivent mais tout se termine, bien évidemment, dans l’allégresse générale.


Créé à Palerme en 1955, l’opéra tranche nettement avec l’esthétique de son temps. Ni comédie musicale à la Bernstein, ni opérette à la Menotti, ni mélodrame post romantique à la Rossellini, le Chapeau de paille est un ouvrage de facture assez traditionnelle dans l’esprit napolitain, voire mozartien, qui n’est pas sans rappeler certains choix de Stravinsky. Que les quelques accords à la Gershwin ne brouillent pas les pistes: Rota retrouve bien la verve rossinienne (il y a même un orage orchestral comme dans Le Barbier ou La Cenerentola) et la poésie mozartienne (les ensembles sont d’une rare élégance formelle). Les personnages bouffes semble tout droit sortis de Don Pasquale ou de L’Elisir et les quelques duos d’amour pastichent non sans ironie Puccini.


Duo «chouchou» d’Angers Nantes Opéra (ils ont signé in loco plus d’une dizaine de productions), Patrice Caurier et Moshe Leiser ont parfaitement saisi les caractéristiques de l’œuvre et, plutôt que se livrer à une transposition hasardeuse, ont situé l’action à l’époque de Labiche, c’est-à-dire au milieu du XIXe siècle. Avec une joyeuse et trépidante vitalité, ils font preuve de ce même sens théâtral qui faisait déjà le prix, ici même, de leurs inoubliables Nez (de Chostakovitch) et Falstaff. Avec des costumes (conçus par Agostino Cavalca) et des décors (signés par Christian Fenouillat) pour lesquels on n’a pas lésiné sur les moyens (ils changent à chaque nouvelle scène et sont tous un régal pour l’œil), les personnages imaginés par Labiche (affublés de faux nez et de faux culs, comme on en voit dans les caricatures d’Honoré Daumier) débordent d’énergie.


Le plateau vocal distille le même bonheur (à une petite exception près), et tous les artistes réunis ce soir s‘avèrent aussi excellents comédiens que chanteurs. La palme revient cependant au bondissant, à l’omniprésent, au désopilant Fadinard de Philippe Talbot, un enfant du pays (il est Nantais). Son joli timbre de tenorino exprime avec beaucoup de crédibilité la quête désespérée d’un héros qui risque son honneur pour sauvegarder celui d’une bourgeoise inconnue. Tout au plus pourra-t-on lui reprocher une diction de l’italien pas toujours idiomatique, notamment dans les parties parlées. Toute de fraîcheur, de poésie et de spontanéité, la soprano belge Hendrickje van Kerckhove éblouit dans le rôle d’Elena, partie qui ressuscite le bel canto romantique, hérissée qu’elle est de vocalises aériennes, pyrotechnies vocales que la soprano colorature exécute avec la plus parfaite justesse et aisance.


Malgré les outrages du temps sur sa voix, Elena Zilio compose une irrésistible baronne de Champigny. La mezzo italienne s’abandonne avec volupté dans les bras de Fadinard, qui en se faisant passer pour le célèbre violoniste Minardi, veut récupérer son chapeau de paille (Rota a judicieusement transformé en violoniste le chanteur italien de la pièce). Claudio Otelli donne à Beaupertuis tout le désespoir du mari berné et Elzbieta Szmytka (Anaïde) toute l’arrogance de l’épouse infidèle, mais avec des moyens désormais bien fatigués. Doté d’une voix de stentor, le baryton hongrois Peter Kalman incarne un hilarant Nonancourt, et l’on rêve de l’entendre dans le rôle de Falstaff. Mentionnons enfin l’Emilio du toujours formidable Boris Grappe, dont la prestance en scène n’a d’égale que ses qualités de chanteur.


Grand spécialiste de cette musique, le chef italien Giuseppe Grazioli a servi cette superbe partition avec un sens très précis des nuances, ne tirant jamais l’ouvrage vers l’opérette (ce qu’elle n’est pas), mais en lui conservant une finesse toute mozartienne.


Bref, une production qui procure une joie et un plaisir intenses, et qu’on aimerait revoir très vite sur une autre scène lyrique de l’Hexagone. Avis aux directeurs de théâtre!



Emmanuel Andrieu

 

 

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