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L’intimité du pavillon, la passion de Jenůfa, le pathos de Destin

Brno
Théâtre Janácek
11/18/2012 -  et 19 novembre 2012
Leos Janácek: Jenůfa - Osud
Jenůfa:

Katarína Juhásová-Stúrová (Jenůfa), Ľubica Rybárska (Kostelnicka), Miroslav Dvorský (Laca Klemen), Tomás Juhás (Steva), Marta Benacková (Mère Buryjovka), Andrea Vizvári (Karolka), Jozef Benci (Stárek), Jana Bernáthová (Jano) Orchestre et Chœur du Théâtre National Slovaque, Pavel Procházka (directeur du chœur), Jaroslav Kyzlink (direction musicale)
Martin Otava (mise en scène), Ján Zavarský (décors), Peter Canecký (costumes)
Osud:
Ondrej Saling (Zivný), Pavla Vykopalová (Míla), Iveta Jiríková (La mère), Petr Levícek (Dr. Suda), Pavel Kamas (Lhotský), Andrea Siroká (Soucková), Hana Koprivová (Kosinská), Ondrej Koplík (Doubek)
Orchestre et Chœur du Théâtre National de Brno, Josef Pancík (directeur du chœur), Jacub Klecker (direction musicale)
Ansgar Haag (mise en scène), Kerstin Jacobssen (décors), Simona Vachálková (costumes)





Voici la troisième édition du Festival Janácek de Brno, du 16 au 25 novembre. Il faut savoir, avant tout, qu’il s’agit d’un festival tout à fait original. Si Bayreuth est synonyme de Wagner, Brno va au-delà de Janácek. Né en Moravie profonde, à Hukvaldy, c’est à Brno que le compositeur tchèque a affirmé son talent et sa maturité (tardive, comme tout ce qui est de longue haleine) de compositeur, de chef de chœurs, de professeur, de directeur de l’école d’orgue (où il a tout fait pendant vingt-cinq ans, comme il le déclarait lui-même : concierge, secrétaire, subordonné du chef et chef du subordonné). Il faut visiter l’école d’orgue, avec le petit pavillon à côté, où Janácek vivait avec sa femme (ce n’était pas le fol amour) et une ou deux servantes. Dans ce pavillon se déroulait l’un des derniers concerts du festival , une matinée très courte, moins de trois quarts d’heure: le pianiste et professeur Jan Jiraský interprétait les deux mouvements survivants de la Sonate 1905, la suite V mlách (Dans les brumes) ; et surtout, une sélection de la suite Sur un sentier recouvert, pas tout à fait « impressionniste », pas du tout « romantique », en vérité, des pièces courtes et intenses. Il est émouvant d’entendre cette musique justement dans ce lieu, jouée sur le piano de Janácek lui-même (une relique un peu en danger, semble-t-il) par un artiste comme Jiraský, qui est également une autorité (sa thèse de doctorat porte sur la musique pour piano du compositeur tchèque).


Mais revenons au début. On le sait, Janácek a composé neuf opéras, mais les deux premiers sont « des pièces de jeunesse » assez mineures. Il est vrai que chez Janácek rien n’est « de jeunesse », mais avec la cantate Amarus et, surtout, avec la première de Jenůfa en 1904 (il a alors cinquante ans), sa maturité créative donne ses premiers grands résultats. On a pu assister à une belle représentation de Jenůfa par Le Théâtre national slovaque (remarquable orchestre dirigé avec une passion mesurée par Jaroslav Kyzlink), comme un beau cadeau des Slovaques aux Tchèques de la Moravie : peut-être les Slovaques sont-ils davantage proches des Moraves que des Bohèmes, en général, et cet opéra est le plus morave des opéras du compositeur. La musique de la Moravie est l’un des fondements de cette bien connue recherche de la « vérité » de Janácek. Dans la distribution Katarína Juhásová-Stúrová domine largement ses partenaires. Elle campe une Jenufa forte dans sa faiblesse, émouvante, avec une belle voix puissante dont les envolées lyriques équilibrées et pleines de passion conduisent également à un éclat plus dramatique : après tout, Jenůfa est un être délicat qui subit des épreuves cruelles. N’oublions pas une remarquable Kostelnicka de L’ubica Rybárska ; et le beau Laca de Miroslav Dvorský, ce dernier semblant s’économiser pour les scènes des deuxième et troisième actes). Cette production efficace et traditionnelle est signée Martin Otava.



(© Janácek Festival Brno)


Osud (« Destin »), le deuxième opéra après Jenůfa n’a jamais été représenté du vivant du compositeur. Un autre court opéra (une heure et quart), en trois actes, d’un dramatisme tragique sans motivation, et deux niveaux de discours ne se trouvant presque jamais réunis en termes d’égalité : un livret frôlant souvent le ridicule et une musique d’une beauté, d’un dramatisme et d’une intensité insurmontables. Les rares fois où cet opéra est représenté, les metteurs en scène ont la tentation d’introduire un troisième niveau... celui de la confusion ; de la beauté aussi, peut-être, mais d’une beauté confuse. Ce n’était pas l’intention d’Ansgar Haag, avec cette production du Théâtre national de Brno, qui a inauguré le festival, seule œuvre bénéficiant de deux représentations. En s’appuyant sur la direction nerveuse et puissante de Jakub Klecker, Haag dessine un triple tableau très clair de la tragédie du compositeur Zivný, dont on ignore le sens, mais où Janácek, certainement, voulait mettre beaucoup de lui-même (au temps de son amour pour la première des deux Kamila ; la deuxième sera la plus importante) malgré les « chevilles » et le pathétisme douteux et excessif du livret. Haag domine les deux « tableaux polyphoniques » (actes I et III), et on dirait qu’il dirige soigneusement le duo (ou trio, avec le redoutable personnage de la Mère) de comédiens chanteurs : magnifique Pavla Vykopalová, et Ondrej Saling essayant avec succès de faire avancer un personnage dont la tessiture est très souvent élevée et qui chante beaucoup dès le deuxième acte; Iveta Jiríková, loin de la vieille dame associée à la Matka, surprend et étonne avec sa réelle présence et sa voix vigoureuse. En fait, Osud « se normalise », semble-t-il ; avec des versions théâtrales comme celle-ci on peut considérer que, dans un temps, Osud ne sera plus un titre « maudit » ou « négligé », en dépit de ses limitations insurmontables, mais cela est très habituel dans l’opéra, dont l’histoire est prodigue en livrets pauvres ou risibles.


A suivre...



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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