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AAA Geneva Victoria Hall 11/24/2012 - et 15 (Oslo), 16 (København), 17 (Helsinki), 18 (Stockholm), 20 (Reykjavik), 23 (Lisboa) novembre 2012 Győrgy Ligeti : Atmosphères
Richard Wagner : Lohengrin : Prélude du premier acte
Claude Debussy : Jeux
Maurice Ravel : Daphnis et Chloé, Suite pour orchestre n° 2
Robert Schumann : Symphonie n° 3 en mi bémol majeur « Rhénane », opus 97 Berliner Philharmoniker, Sir Simon Rattle (direction)
S. Rattle (© Thomas Rabsch)
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Steve Roger, ancien directeur général de l’Orchestre de la Suisse romande et actuel directeur de l’agence de concerts Caecilia, à qui l’on doit la venue des Berliner Philharmoniker à Genève, explique à quel point l’exercice de la musique de chambre est délicat, chaque musicien devant être de la même qualité que ses partenaires. Imaginez-vous maintenant ce que serait un orchestre où tous les musiciens du premier violon jusqu’au dernier pupitre seraient tous de même (et au plus haut) niveau et où le chef canaliserait tous ces talents dans une même conception musicale. Voici en quelques mots comment il serait possible de décrire cet extraordinaire concert.
Joués sans interruption, Atmosphères de Győrgy Ligeti et le Prélude du premier acte de Lohengrin permettent aux musiciens de montrer l’étendue d’une dynamique sonore stupéfiante. En complément de similarités harmoniques, les deux œuvres explorent les extrêmes de la palette sonore orchestrale. Chaque pupitre démarre du néant pour aller au ffff le plus poussé. En dépit des différences de timbre et de la difficulté du texte, les musiciens maintiennent une ligne musicale continue, le démarrage aux violons du Prélude de Lohengrin apparaissant comme une suite naturelle des Atmosphères.
Les même musiciens se révèlent capables, dans les Jeux de Debussy ainsi que dans la Seconde Suite de Daphnis et Chloé de Ravel, de couleurs bien différentes. Les cuivres sont plus doux, l’articulation aux bois est d’une précision d’orfèvre et les tutti d’une grande clarté. Les redoutables crescendos des pages finales du Ravel sont simplement exemplaires.
La seconde partie est consacrée à la Symphonie « Rhénane » de Schumann. Sir Simon Rattle, fidèle à son habitude, multiplie les changements de tempo pour fluidifier le discours musical. Il fait ressortir avec beaucoup de soin les nombreux contrechants de l’œuvre et n’hésite pas à demander aux cordes de retenir leur vibrato dans le quatrième mouvement (Feierlich) qui prend ainsi une dimension encore plus mystérieuse. Du temps de Karajan, les cordes auraient probablement dominé les équilibres et le chef aurait maintenu un legato impressionnant. Les Berliner de ce siècle ont un son plus moderne et plus équilibré mais leur connaissance et maîtrise des différents styles se sont étendues et leur autorité reste unique.
Certains signes ne mentent pas. La salle de Victoria Hall était pleine hier soir et à l’extérieur, de nombreux mélomanes qui cherchaient une place, pancarte à la main, sont repartis bredouilles. En dépit du temps humide, les tousseurs étaient restés chez eux et le public médusé avait ce silence attentif qui ne trompe pas. Les Berliner n’avaient pas rendu visite à Genève depuis dix-sept ans et je crois que Sir Simon Rattle s’y produisait pour la première fois : nous les espérons bientôt de retour chez nous.
Antoine Leboyer
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