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Théâtre dansé

Baden-Baden
Festspielhaus
10/12/2012 -  

12, 13 et 14* octobre 2012
Liliom
John Neumeier (chorégraphie, costumes, lumières), Michel Legrand (musique)
Hamburg Ballett
NDR Bigband, Lam Tran Dinh (direction)
Ferdinand Wögerbauer (décors)


19*, 20 et 21 octobre 2012
Ein Sommernachtstraum
John Neumeier (chorégraphie, mise en scène), Felix Mendelssohn, Győrgy Ligeti et musiques pour orgue mécanique (musque)
Hamburg Ballett
Württembergische Philharmonie Reutlingen, Michael Schmidtsdorff (direction)
Jürgen Rose (décors, costumes)


Liliom (© Hamburg Ballett/Holger Badekow)


Les trois représentations de Liliom, ballet de John Neumeier créé en décembre 2011, ont clairement constitué l’attraction principale de ce nouveau séjour du Ballet de Hambourg au Festspielhaus de Baden-Baden. Cette longue soirée de théâtre dansé, appréciée tant pour son argument que pour sa musique et ses ambitions de grand show dépassant le cadre du ballet conventionnel, fait salle comble depuis des mois à Hambourg et le même phénomène s’est reproduit à Baden-Baden où toute la compagnie, son directeur et chorégraphe attitré inclus, se sont installés pour plusieurs semaines.


Liliom est à l’origine une pièce de théâtre, à la fois sombre par son contexte (une fable faubourienne sur fond de chômage et de crise économique) et émouvante par le surréalisme de sa poésie brute. On connait cependant mieux cette histoire à succès, due au Hongrois Ferenc Molnár et créée à Budapest en 1909, dans une adaptation plus ludique et légère pour Broadway : le musical Carousel de Rodgers et Hammerstein (1945). Le ballet de John Neumeier se situe plus près de ce second aspect, évitant la surcharge du réalisme grâce à la poésie d’une danse variée et exubérante, parfois proche des shows américains, mais s’appuyant aussi sur une bonne musique commandée à notre compatriote Michel Legrand, qui mêle avec un certain bonheur tournures de jazz et un savoir-faire "sérieux" issu d’une solide formation classique.


Sur scène, installé en hauteur derrière les danseurs comme à l'arrière-plan une piste de cirque, prend place un big band pour lequel Michel Legrand a écrit une musique très swing (un peu de raideur posée trahissant quand même les origines françaises de la chose) en alternance avec une partition plus complexe (enregistrée sur bande magnétique), dont le style un rien académique fleure bon son Groupe des six, son Stravinsky revisité et son vieux fond Nadia Boulanger. Le cocktail est toujours intéressant, un peu répétitif parfois (la récurrence constante d’un beau thème court aux cordes, en déséquilibre entre majeur et mineur, sublime la première fois, un rien usé quand même à la trentième...). Ces très bons ingrédients fonctionnent mais n’évitent pas toujours l’impression de tourner à vide. La collaboration cordiale entre chorégraphe et musicien n’aurait-elle pas été ici trop respectueuse, avec à la clé un ballet trop long, sans que l’on parvienne à savoir si c’est la danse qui s’évertue à meubler l’espace parce que le compositeur s’étale trop, ou l’inverse ?


En tout cas les danseurs payent de leur personne, et tout particulièrement Carsten Jung, titulaire d’un rôle écrasant au cours de la première partie, au point de requérir une véritable condition d’athlète. Le défi est parfaitement relevé, au prix d’une sudation profuse dont les projecteurs ne laissent rien ignorer. Le reste de la troupe peut mieux se répartir l’effort mais la danse réservée par John Neumeier à cette histoire un peu brutale reste constamment exigeante, tenant de reprendre à Broadway certains tics d’ensemble d’autant plus malaisés pour les interprètes qu’ils n’ont pas du tout été formés à cette école là. On y retiendra en tout cas la prestation fluide d’Alina Cojocaru en Julie et quelques impressionnantes scènes d’ensemble, dont un ballet de chômeurs très nerveux (pour lequel les lumières de la salle se rallument, comme pour tenter d’éviter à la situation de tourner au voyeurisme pénible dans le contexte social actuel...). Les images se télescopent, les décors sont toujours habilement maniés et indiscutablement John Neumeier se maintient ici à son meilleur niveau, celui d’un grand magicien du théâtre dansé, même si encore une fois la soirée paraît un peu trop longue pour son contenu réel.



Ein Sommernachtstraum (© Hamburg Ballett/Holger Badekow)


Aucun problème en revanche avec Le Songe d’une nuit d’été, ballet créé en 1977 et qui n’a vraiment pris aucune ride. La compagnie l’a conservé à son répertoire en parfait état, enrichie sans doute de l’expérience acquise par Neumeier en remontant l’ouvrage pour d’autres ensembles (dont celui de l’Opéra de Paris). Les décors et costumes du génial coloriste qu’est Jürgen Rose sont toujours aussi frais et beaux, et si la seconde partie fait la part un peu trop belle aux clins d’œil à la danse académique (toujours revisitée, au demeurant, par un prodigieux inventeur d’attitudes nouvelles), l’aller-retour entre rêve et réalité des premiers tableaux reste prodigieux, matérialisé par une alternance magique entre Mendelssohn (joué en fosse, très bien, par la Philharmonie de Reutlingen dirigée par Michael Schmidtsdorff) et des pièces célèbres de Ligeti (enregistrées, et réglées malheureusement un peu trop fort). Dans une ambiance bleu-verdâtre très particulière l’univers de Titania, Obéron et Puck reste original comme au premier jour, chorégraphie anguleuse d’une modernité étonnante qui trace dans l’espace de multiples lignes inédites. Fascinant ! Interprétation excellente dans l’ensemble, où brillent particulièrement Hélène Bouchet et Thiago Bordin dans leurs doubles rôles (Hippolyte/Titania et Thésée/Obéron) et une désopilante troupe de grotesques qui évolue sur fond de vieux arrangements d’opéra joués par un orgue mécanique (troisième idée géniale de cette partition toujours parfaitement maîtrisée, fantastique collage manié avec doigté parfait). Un classique désormais, à juste titre.



Laurent Barthel

 

 

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