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La faute à Rousseau?

Geneva
Bâtiment des Forces Motrices
09/11/2012 -  et 13, 16, 18, 20, 22, 24 septembre 2012
Philippe Fénelon: JJR, Citoyen de Genève (création)

Jonathan De Ceuster (JJR1), Edwin Crossley-Mercer (JJR2), Rodolphe Briand (JJR3), Isabelle Henriquez (Thérèse), Allison Cook (Madame de Warens), Karen Vourc'h (Julie/Colette), Emilie Pictet (Juliette/Une voix), David Portillo (Saint-Preux/Colin), Christopher Lemmings (Claude/Robinson), Marc Scoffoni (Diderot /Cury), Christian Immler (Le Vicaire/Le Docteur Itard), François Lis (Sade/Voltaire), Daniel Cabena (Le Castrat/Une voix), Maël Nguyen (Victor, l'enfant sauvage)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Ching-Lien Wu (préparation), Ensemble Contrechamps, Jean Deroyer (direction musicale)
Robert Carsen (mise en scène et lumières), Christian Räth (metteur en scène associé), Radu Boruzescu (décors), Miruna Boruzescu (costumes), Peter Van Praet (lumières), Marco Berriel (chorégraphie)


(© GTG/Carole Parodi)


Genève, qui avait jadis brûlé certains de ses écrits sur la place publique, devait bien un hommage à Jean-Jacques Rousseau, l’un de ses plus illustres enfants. C’est chose faite en cette année du tricentenaire de la naissance du philosophe, qui a donné lieu à toute une série de manifestations sous l’égide de «2012 Rousseau pour tous». Point d’orgue de ces festivités: la création mondiale d’un opéra sur l’œuvre et la vie de Rousseau, commande conjointe de la ville et du Grand Théâtre au compositeur Philippe Fénelon, au librettiste Ian Burton et au metteur en scène Robert Carsen. Trois pointures, signe que les commanditaires ont voulu mettre les petits plats dans les grands. Plutôt que d’écrire une œuvre chronologique retraçant les grandes étapes de la vie de Rousseau, Philippe Fénelon et Ian Burton ont préféré opter pour un «opéra en un acte ou divertissement philosophique en sept scènes et une huitième – vaudeville» articulé selon le modèle du Devin du Village, bref opéra de Rousseau lui-même, qui, à défaut d’être particulièrement inspiré, a provoqué la célèbre bataille des bouffons. Comme Le Devin, JJR se compose de huit parties présentant chacune une thématique forte de la pensée rousseauiste, parmi lesquelles la nature, dieu, la botanique, la musique ou encore la sexualité. Le dernier tableau constitue la répétition générale du Devin du Village, sorte de spectacle dans le spectacle. La figure de Jean-Jacques Rousseau se multiplie par trois (l’enfant de 12 ans, le jeune homme de 21 ans et le vieillard de 66 ans) pour interagir avec d’illustres contemporains (Sade, Voltaire, Diderot), des icônes culturelles de son temps (Robinson Crusoé, un castrat de l’opéra italien), ses propres créatures (Julie, le Vicaire savoyard et les héros du Devin du village, Colin et Colette) ou encore les femmes de sa vie: Madame de Warens, Thérèse et la voix de sa mère, morte en lui donnant le jour. Durant l’épilogue, le philosophe disserte sur le cheminement futur de ses idées, de la Révolution jusqu’à Marx et Fidel Castro, sans oublier les accidents nucléaires, les catastrophes environnementales ou encore Internet (!), preuve que ses pensées continuent à nous inspirer.


Si l’intention est louable et originale (composer un opéra non pas sur une action ou un drame, mais sur des thèmes et des idées), son traitement se révèle particulièrement ardu et problématique. Et, malheureusement, le résultat ne résiste pas à l’ennui. Car sans sujet fort et prenant, sans émotions, comment captiver l’attention du public près de deux heures durant, quand la musique de Philippe Fénelon est surtout contemplative et illustrative, plutôt aride, sans grande variété ni originalité, si ce n’est un habile collage humoristique reprenant des citations de Rousseau lui-même, mais aussi de Rameau à Wagner? D’ailleurs, de nombreux spectateurs ont quitté la salle avant la fin de la représentation. Las, il faut attendre la dernière scène – consacrée à la musique – pour que les choses s’animent un peu, avec l’évocation, teintée de malice, des différentes formes musicales décrites par Rousseau dans son Dictionnaire de la musique. Pourtant, ce JJR peut compter sur de nombreux atouts: l’engagement exemplaire de l’Ensemble Contrechamps, sous la baguette de Jean Deroyer, l’homogénéité d’un plateau vocal de fort belle tenue, ainsi que la mise en scène bucolique et poétique de Robert Carsen, avec comme décor un plan incliné recouvert de gazon, venant rappeler fort à propos que le rôle que Rousseau aimait le plus était celui du promeneur solitaire, à l’écoute du chant des oiseaux et à la découverte de nouvelles espèces de fleurs sur un chemin de montagne. Malgré tout, l’impression globale reste mitigée. La faute à Rousseau?



Claudio Poloni

 

 

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