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Le miracle Abbado Lucerne
Centre de la culture et des congrès
08/17/2012 - et 18 août 2012
Ludwig van Beethoven: Concerto pour piano et orchestre n° 3 en ut mineur, opus 37
Anton Bruckner: Symphonie n° 1 en ut mineur, WAB 101 (version de Vienne de 1890/91 dans l’édition de Günter Brosche)
Radu Lupu (piano)
Lucerne Festival Orchestra, Claudio Abbado (direction musicale) 
C. Abbado (© Monika Rittershaus)
L’édition 2012 du Festival de Lucerne, qui se déroulera jusqu’au 15 septembre, a pour thème la foi. Comme chaque année, la petite cité de Suisse centrale verra défiler les plus grands orchestres et les chefs les plus réputés. La thématique choisie est synonyme d'un éventail très large, allant des œuvres religieuses de Bach, de Schubert et de Bruckner à la Symphonie de Psaumes de Stravinsky, en passant par la Symphonie «Réformation» de Mendelssohn, la Symphonie «Résurrection» de Mahler, le Requiem de Verdi et l’opéra Moïse et Aaron de Schoenberg. Les compositeurs en résidence sont Philippe Manoury et Sofia Gubaidulina, laquelle n’a jamais renié sa foi, même aux heures les plus sombres du communisme. Pour sa part, Pierre Boulez animera la Lucerne Festival Academy. Signe que l’opulente Helvétie est, elle aussi, touchée par la crise, même si à un degré moindre que ses voisins: le projet de salle modulable, qui doit permettre à Lucerne de mettre sur pied des représentations de théâtre et d’opéra et, ainsi, de faire pratiquement jeu égal avec Salzbourg et Bayreuth, a été gelé pour des raisons financières.
Traditionnellement, le Festival est ouvert par Claudio Abbado à la tête du Lucerne Festival Orchestra, composé essentiellement de musiciens du Mahler Chamber Orchestra et de quelques éléments du nouvel Orchestra Mozart de Bologne, tous des instrumentistes qui ont l’habitude de jouer avec lui. Pour le concert d’inauguration du 8 août, le chef italien a finalement préféré le Requiem de Mozart à la Symphonie «des Mille» initialement prévue, estimant que la fresque colossale de Mahler n’était pas dans ses cordes. Dommage, car le cycle Mahler entamé à Lucerne en 2003 demeure ainsi incomplet.
Le second programme dirigé cette année par Claudio Abbado n’a, en revanche, pas subi de changement, avec Beethoven et Bruckner à l’affiche. Pour l’occasion, le chef retrouvait un vieux compagnon de route, le pianiste Radu Lupu. Claudio Abbado et le Lucerne Festival Orchestra: plus qu’un triomphe assuré, c’est à chaque fois une soirée d’une rare intensité, et celle du 17 août 2012 n’a pas fait exception à la règle. Ce qui surprend d’emblée chez Radu Lupu, c’est son frapper qui semble à peine effleurer le piano, un toucher de velours qui n’empêche pas pour autant la variété des sonorités. Après le pathos de l’introduction du Troisième Concerto de Beethoven, le soliste instaure, dès ses premières interventions, un climat d’intimité qui contraste avec l’immensité de la salle. Son interprétation est très intériorisée, lente et paisible, à l'image de la sobriété de son jeu, sans esbroufe. A plusieurs reprises, il fait ralentir le tempo, le chef n’hésitant pas à se mettre à l’unisson après les cavaliers seuls de l’orchestre, fougueux et vivaces. L’osmose entre les deux grands de la musique est parfaite. En bis, Radu Lupu offre le deuxième mouvement de la Huitième Sonate «Pathétique» de Beethoven.
On l’a dit et redit, la gestuelle de Claudio Abbado dégage une élégance qui fait toute la beauté de ses exécutions. Et comme à son habitude, le chef dirige par cœur. Dans la Première Symphonie de Bruckner, le maître-mot est clarté. Très concentré, le chef dégraisse, aère les textures pour éviter la grandiloquence, mais sans jamais perdre la substance de l’œuvre ni la veine émotionnelle. Du coup, le foisonnement et la complexité de la partition deviennent parfaitement compréhensibles et transparents. C’est le miracle Abbado.
Claudio Poloni
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