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Au milieu des tableaux

Oviedo
Musée des Beaux-Arts des Asturies
08/14/2012 -  et 17 août 2012 (Aoste)
César Franck : Prélude, Choral et Fugue, FWV 21
Richard Wagner : Tannhäuser: Ouverture (paraphrase de concert par Franz Liszt)
Modeste Moussorgski : Tableaux d’une exposition

Denis Kozhukhin (piano)


D. Kozhukhin (© Marco Borggreve)


Les organisateurs du festival estival d’Oviedo persistent dans le saugrenu. Au motif de faire découvrir des lieux «méconnus», ils choisissent pour les concerts des endroits parfaitement inadaptés. La musique au service de la politique culturelle et non l’inverse, au fond. Le pompon à cet égard avait été, en 2008, le concert donné par María Teresa Pérez Hernández dans l’ancienne poissonnerie, fort bien réhabilitée au demeurant: à la résonance insupportable s’ajoutait le bruit des cidreries alentour tuant sur le champ tout ce que la pianiste locale jouait. Cette fois, les gentils organisateurs avaient jeté leur dévolu sur l’un des deux patios couverts du musée des Beaux-Arts de la ville comme si celui-ci méritait une campagne de promotion particulière alors que ses seules peintures (Greco, Goya, Zurbarán, Sorolla, Evaristo Valle, Nicanor Pinole, Picasso, Barceló) suffisent largement à en justifier la visite, et qu’Oviedo dispose de salles tout à fait adaptées, telles les deux de l’Auditorium Príncipe Felipe.


Le résultat fut que, compte tenu du caractère exigu du lieu, moins de deux cents personnes purent profiter du concert et il fallut renvoyer chez eux les amateurs qui avaient vaillamment attendu l’ouverture des portes du musée sous la pluie. Par ailleurs, la réverbération des lieux ne pouvait conduire qu’à une bouillie sonore. Les conditions étaient encore détériorées par la présence de photographes, déchaînés et dénués autant d’oreilles que de cervelle, dont la mission semblait être de prendre le maximum de clichés pendant le concert, sans aucune considération pour l’artiste et le public. Il fallait donc beaucoup de courage et de concentration à Denis Kozhukhin, né en 1986, formé en grande partie à Madrid, et affichant un beau palmarès puisqu’il fut troisième prix au concours de Leeds (2006), premier prix au concours Vendome de Lisbonne (2009) puis premier prix au concours Reine Elisabeth (2010), pour faire face à de telles contraintes.


Il en prit son parti et se lança dans un programme d’une belle exigence, qu’il donna sans pause et sans partition. Il débuta par un Prélude, Choral et Fugue (1884) de César Franck (1822-1890), exemplaire quoique passablement extérieur. Le jeu était toujours clair et la réverbération ne fut pas trop gênante, le résultat faisant penser à de l’orgue. Il n’en fut pas de même de la pièce suivante, l’adaptation par Franz Liszt (1811-1886) de l’Ouverture de Tannhäuser de Richard Wagner (1813-1883), d’une incroyable vulgarité pleinement assumée par le pianiste. On eut en effet droit à un numéro de cirque et, en raison des conditions acoustiques, à un véritable brouillard sonore, le pianiste, à la virtuosité incontestable, ayant tendance à écraser sa main gauche dans des graves phonurgiques faisant trembler le piano et quasiment l’ensemble du patio. Quelque peu nerveux, il présenta heureusement ensuite, après quelques saluts rapides, dans un espagnol des plus convenables, les différents Tableaux d’une exposition (1874) de Modeste Moussorgski (1839-1881), la médiocre feuille faisant office de programme n’allant même pas jusqu’à rappeler les titres des tableaux de Victor Hartmann ayant inspiré le compositeur. L’interprète en proposa une lecture spectaculaire, plus fantasque qu’inquiétante, se montrant tantôt sauvage dans «Baba Yaga», tantôt délicat et charmeur dans le «Ballet des poussins dans leurs coques», tantôt brillant dans le «Limoges. Le Marché». Si la clarté du discours était toujours là et la virtuosité digitale exceptionnelle, on ne pouvait être que confondu par la maîtrise saisissante du jeu de pédales par Kozhukhin: pas de coups, pas de sons étouffés prématurément, pas d’excès dans les forte, pas de fautes de goût. La «Grande porte de Kiev» fut alors grandiose comme il se doit.


Après une telle performance, le pianiste n’hésita pourtant pas, quelques rapides saluts effectués, à proposer deux bis, démontrant qu’il était parfaitement capable d’autre chose que du spectaculaire: d’élégance de toucher dans un arrangement pour piano de Sgambati d’un extrait d’Orphée et Eurydice de Cristoph Willibald Gluck, voire d’intimisme dans le Cinquième des Préludes de l’Opus 32 de Serge Rachmaninov.


Le site de Denis Kozhukhin



Stéphane Guy

 

 

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