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Donizetti au saloon

Baden-Baden
Festspielhaus
05/28/2012 -  et 31* mai, 3 juin 2012
Gaetano Donizetti : L’elisir d’amore
Olga Peretyatko (Adina), Rolando Villazón (Nemorino), Roman Trekel (Belcore), Ildebrando d’Arcangelo (Dulcamara), Regula Mühlemann (Gianetta)
Balthasar-Neumann-Chor, Balthasar-Neumann-Ensemble, Pablo Heras-Casado (direction)
Rolando Villazon (mise en scène), Johannes Leiacker (décor), Thibault Vancraenenbroeck (costumes), Davy Cunningham (lumières)


R. Villazón (© Andrea Kremper)


« Ce soir nous situons L’Elixir d’amour là où les contes de fées de notre temps ont leur source : dans les studios de cinéma de l’âge d’or. Le metteur en scène Dulcamara tourne un western avec la star Adina et l’élégant Belcore. Tout irait pour le mieux s’il n’y avait pas là Nemorino, un simple figurant que, par amitié, Adina a fait engager dans la production... ».


Il était effectivement utile de rajouter ce petit paragraphe dans le programme, après le résumé habituel du livret de Felice Romani, car cet Elisir d’amore revu et transposé par Rolando Villazón nécessite au minimum ces quelques précisions afin que l’on puisse en comprendre (plus ou moins bien) les situations. En définitive, plutôt qu’une lecture approfondie de l’œuvre, c’est une ambiance propice aux petits détails amusants que semble avoir recherchée le ténor franco-mexicain : reconstitution fantaisiste d’un plateau de tournage hollywoodien des grandes années, avec ses décors à tout faire, ses petits trucages naïfs, ses stars capricieuses et ses figurants en goguette. Le placage sur le livret est plus ou moins heureux (le personnage de Dulcamara, en particulier, devient assez difficile à cerner), cela dit on ne s’ennuie pas, même si cette accumulation de gags (tout un Far West de convention, avec ses personnages qui paraissent sortir de Lucky Luke, sa bagarre de saloon obligée, son attaque de la diligence, etc, voire un King Kong qui passe par là en se trompant de plateau...) paraît relativement gratuite. En fin de soirée la mise en scène se creuse davantage, ce qui va d’ailleurs de pair avec le changement de ton du livret, Villazon orientant davantage son personnage de gentil benêt à sombrero vers un démarcage du Charlie Chaplin de La Ruée vers l’or. Una furtiva lagrima, chanté dans une petite cabane en bois poussée sur un plateau enfin vidé de ses accessoires encombrants, fait passer un vrai moment d’émotion dans cette mise en scène parfois hâtive. Finale original aussi, où l’orchestre accompagne la projection du bref western muet issu du tournage auquel on a assisté toute la soirée durant. Rien d’absolument concluant (on garde quand même le souvenir de mises en scène de L’elisir d’amore bien plus approfondies et non moins originales, dont celle, remarquable de David Boesch, toujours au répertoire du Staatsoper de Munich) mais de quoi faire passer une soirée divertissante.


Représentation néanmoins difficile pour des raison d’intendance, l’Adina de Miah Persson ayant déclaré forfait suite à une laryngite déclarée le matin même. Arrivée de Milan par le premier avion, c’est Olga Peretyatko, jeune soprano russe déjà fréquemment remarquée ces dernières saisons, qui prend le risque d’interpréter le rôle sans aucune répétition, la petite heure d’avance à peine qu’elle a prise sur le lever de rideau ayant servi surtout à l’essayage et l’adaptation de son costume de scène. Et pourtant tout se déroule sans accroc, cette Adina improvisée se laissant gentiment guider par ses partenaires et parvenant même à construire un personnage dans cet environnement pourtant très particulier. Vocalement le résultat est de surcroît joli, et sans aucun décalage audible avec l’orchestre.


Rolando Villazón, lui, a tenu bon, ce qui a permis à un public conquis d’avance d’acclamer sa performance de chanteur-acteur, d’une remarquable vivacité. Una furtiva lagrima n’a pas vraiment la perfection belcantiste attendue mais le personnage séduit constamment, même si Villazon semble souvent éprouver du mal à s’effacer derrière Nemorino. Le problème est identique avec le Dulcamara d’Idebrando d’Acangelo, bellâtre avantageux qui semble trop matamore pour son emploi de charlatan rusé. Mais la voix du baryton italien est si magnifiquement large et sonore qu’on ne saurait se plaindre de pouvoir écouter ce rôle autrement que chevrotté par des vétérans usés jusqu’à la corde. Accorte Gianetta de Regula Mühlemann. Erreur de distribution en revanche pour le Belcore pâle et sec de Roman Trekel, qui n’a rien de bien convaincant à proposer dans ce répertoire.


En fosse, le Balthasar-Neumann-Ensemble ne sonne pas vraiment, ce qui n’est pas une nouveauté, les tutti paraissant toujours évidés de l’intérieur par on ne sait quel stratagème amaigrissant. Problème d’un instrumentarium «d’époque» dont on peine ici à saisir la pertinence et qui ne s’avère gratifiant que dans certains soli, d’une musicalité émaciée particulière, étrange, douloureusement sensible. Le chef Pablo Heras-Casado, réputé pour son énergie, tient bien les rênes de la soirée, sa partition semblant toutefois réduite à une succession de jolis pointillés.


Acclamations multiples au rideau final, Villazón metteur en scène et principal interprète bénéficiant d’une ovation particulièrement fracassante et en définitive logique, même si la patte d’un grand metteur en scène ne nous a pas paru ici vraiment perceptible.



Laurent Barthel

 

 

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