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Courage et générosité

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/12/2012 -  
Darius Milhaud : Le Bœuf sur le toit, opus 58b
Robert Schumann : Concerto pour piano, opus 54
Carl Maria von Weber : Andante e Rondo ungarese, opus 35, J. 158
Georges Bizet : Symphonie en ut

Fany Maselli (basson), Brigitte Engerer (piano)
Orchestre de chambre de Paris, Joseph Swensen (violon et direction)


J. Swensen (© Eric Richmond)


Dernier concert intra muros pour l’Orchestre de chambre de Paris, concluant une saison pleine de changements, au cours de laquelle l’ancien Ensemble orchestral de Paris a adopté un nouveau nom et s’est choisi sa future équipe artistique, qui sera à l’œuvre à compter de la rentrée prochaine: Thomas Zehetmair, chef principal et conseiller artistique, Roger Norrington, premier chef invité, et François Leleux, artiste associé, James MacMillan et Thierry Escaich demeurant compositeurs associés, Deborah Nemtanu violon solo supersoliste et Laurence Equilbey artiste associée. Joseph Swensen reviendra dès le 18 décembre prochain comme chef invité, mais il faisait ainsi son ultime apparition en tant que chef principal invité et conseiller artistique, fonctions qu’il a exercées durant trois ans.


Il débute la soirée en jouant de sa double qualité de violoniste et de chef dans l’adaptation pour violon et orchestre réalisée par Milhaud lui-même et sous-titrée «cinéma-fantaisie» de son Bœuf sur le toit (1919), pour laquelle le choix inhabituel a été fait de placer les deux percussionnistes au premier plan, à l’avant des cordes. Rarement donnée, cette version comprend une cadence assez développée mais amplifie jusqu’au désagrément le caractère polytonal de certains passages. Cependant, elle souffre ici avant tout d’une interprétation manquant trop souvent de vivacité et de punch, sans compter une mise en place imprécise, tandis que dans la partie soliste, Swensen abuse de clins d’œil beaucoup trop appuyés.


Jean-Marc Bador, directeur général de l’orchestre, avait certes indiqué en début de soirée que Brigitte Engerer, fidèle partenaire de la formation parisienne, avait préféré, pour raisons de santé, le Concerto (1845) de Schumann au Second Concerto de Chopin initialement annoncé. Mais lorsque la pianiste, portant un turban noir assorti à sa longue robe, entre en scène en s’aidant d’une canne et du bras de Swensen, l’émotion étreint le Théâtre des Champs-Elysées, où l’on remarque son fidèle complice Boris Berezovsky: de longs applaudissements saluent le courage et la générosité typiques de cette artiste si chère au cœur du public parisien. Partition sous les yeux, elle s’attarde longuement dans une sorte d’errance nostalgique et rhapsodique – après tout, le premier mouvement fut d’abord conçu comme une Fantaisie concertante. Mais à quoi bon tenter de saisir davantage un de ces instants inoubliables et bouleversants de la vie musicale, défiant toute analyse critique, et la rendant même indécente, sinon pour souligner l’infinie tendresse de la section centrale de l’Intermezzo?


Limitant les rappels au strict minimum, elle ne tarde pas à offrir en bis le Larghetto du Second Concerto de Chopin, comme pour exprimer son souci de respecter au mieux son engagement, autrement dit le programme originellement prévu. Revenue saluer de nouveau, Brigitte Engerer défaille à mi-parcours et doit être assistée pour s’asseoir, avant de réapparaître une dernière fois, poussée sur un fauteuil roulant, tout sourire, agitant la main en geste d’au revoir adressé à une salle qui lui réserve une ovation debout – réaction spontanée pleinement justifiée, une fois n’est pas coutume, bien loin d’une manifestation désormais le plus souvent galvaudée quand elle n’est pas déclenchée par une claque habilement organisée.


Après des instants aussi poignants, l’entracte est bienvenu, mais le souvenir de telles images ne s’estompe pas aisément durant la seconde partie, d’humeur pourtant légère. C’est donc la tête un peu ailleurs qu’on écoute l’excellente prestation, fine, spirituelle et virtuose, de Fany Maselli dans le charmant diptyque Andante et Rondeau hongrois (1809/1813) pour basson – en l’occurrence fagott – et orchestre de Weber. Pour la Symphonie en ut (1855) de Bizet, elle retourne à son poste de basson solo de l’orchestre dont Luc Héry, l’un des deux konzertmeister du National de France, est, pour l’occasion, le premier violon. Swensen saisit parfaitement l’esprit de la partition, point trop pesant dans l’Allegro vivo initial, lyrique dans l’Adagio et sans précipitation dans le Scherzo, peut-être pour mieux faire contraste avec un Finale mené à un train d’enfer, où l’Orchestre de chambre de Paris plie mais ne rompt pas.



Simon Corley

 

 

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