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La Scala, un théâtre pas comme les autres pour le meilleur et pour le pire

Milano
Teatro alla Scala
04/22/2012 -  et 26, 28 avril, 2, 6*, 9, 11, 12, 15 mai 2012
Giacomo Puccini: Tosca
Martina Serafin*/Oksana Dyka (Tosca), Lorenzo Decaro/Marcelo Alvarez*/Aleksandrs Antonenko (Cavaradossi), George Gagnidze*/Marco Vratogna (Scarpia), Deyan Vatchkov (Angelotti), Alessandro Paliaga (Sagrestano), Massimiliano Chiarolla (Spoletta), Davide Pelissero (Sciarrone), Ernesto Panariello (Carceriere), Barbara Massaro (Un pastore)
Chœur du Teatro alla Scala, Bruno Casoni (préparation), Orchestre du Teatro alla Scala, Nicola Luisotti (direction musicale)
Luc Bondy (mise en scène), Lorenza Cantini (reprise de la mise en scène), Richard Peduzzi (décors), Milena Canonero (costumes), Michael Bauer (lumières)


(© Archivio Fotografico del Teatro alla Scala)


Une première passablement chahutée, comme souvent à la Scala, voilà le sort qui a été réservé à Tosca à Milan. La soprano, le baryton et le chef d’orchestre ont subi les foudres d’une frange du public particulièrement mécontente. Comble de malchance, tant Marcelo Alvarez que le ténor de la seconde distribution, Aleksandrs Antonenko, ont déclaré forfait ce jour-là, contraignant la direction du théâtre à engager au pied levé un chanteur inconnu et inexpérimenté.


Curieusement cependant, la réalisation scénique du spectacle a laissé le public milanais indifférent, mais il s’agissait d’une reprise, ceci expliquant peut-être cela. Coproduite avec le Metropolitan Opera et l’Opéra d’Etat de Bavière, cette Tosca avait pourtant divisé les esprits à sa création à New York en septembre 2009, puis à Munich l’année suivante. Habitués à la débauche de décors et de figurants de la production précédente, signée Franco Zeffirelli, les spectateurs les plus conservateurs de la Grande Pomme n’avaient guère goûté à la scénographie minimaliste de Richard Peduzzi: de grands murs de brique ocres particulièrement sombres pour le premier acte, des parois rouge sang pour le bureau de Scarpia au deuxième acte et une simple plate-forme grise pour le dernier acte, de laquelle se détache une tourelle dans un immense ciel bleu foncé. On peut se dire que ce dispositif scénique réduit à sa plus simple expression doit permettre au public de se concentrer sur l’action et les relations entre les personnages. Or force est de constater que la mise en scène de Luc Bondy n’apporte pas d’éléments nouveaux susceptibles de modifier notre compréhension du chef-d’œuvre de Puccini. L’homme de théâtre suisse a concentré son travail sur Tosca et Scarpia, négligeant quelque peu Cavaradossi. L’héroïne est ici une diva énergique, jalouse et passionnée, reléguant au second plan la femme amoureuse, avec pour résultat que les duos d’amour ne sont pas des plus convaincants. Le chef de la police est, lui, un homme brutal et pervers, qui s’entoure de prostituées avant de recevoir Tosca. Pour le reste, le spectacle est statique et les chanteurs se retrouvent le plus souvent sur le devant de la scène, les bras levés. Assurément, il ne s’agit pas ici du meilleur cru de Luc Bondy, qu’on a connu autrement plus inspiré.


A l’issue de la représentation du 6 mai, tous les interprètes et le chef ont été accueillis par des applaudissements de plusieurs minutes, faisant oublier les sifflets de la première. Martina Serafin promène sa Tosca avec succès sur les plus grandes scènes, mais alors pourquoi se fait-elle huer à Milan le soir de la première ? Certes, la chanteuse autrichienne ne peut masquer un vibrato prononcé ainsi que des sonorités dures et métalliques dans l’aigu. Mais pour le reste, elle est dotée d’un matériau vocal qui force le respect, ample et sonore, avec un registre central riche en harmoniques et une parfaite maîtrise de l’intonation sur toute la ligne. Scéniquement, elle est tout à fait crédible dans le rôle de la diva passionnée. On le sait, le public milanais est snob et peut avoir la dent dure envers des chanteurs étrangers qui osent s’aventurer dans ce qu’il considère comme SON répertoire. Mais à ce jeu-là, plus personne ne voudra venir chanter à la Scala! On peut en dire autant de George Gagnidze, Scarpia acclamé à New York: s’il n’est peut-être pas le plus raffiné des chanteurs ni le plus scrupuleux des stylistes, le baryton n’en campe pas moins un chef de la police romaine fort honorable sur le plan vocal et particulièrement retors sur le plan scénique. A la tête de l’Orchestre de la Scala, Nicola Luisotti privilégie les tempi étirés et se laisse parfois aller à des effets de manche, au risque de couvrir les chanteurs, mais quel son rutilant et flamboyant! Le triomphateur incontesté de la représentation est Marcelo Alvarez, Cavaradossi héroïque aux aigus insolents (magnifique «Vittoria» longuement tenu), avec aussi de superbes mezza voce dans les duos avec Tosca et une projection qui souligne l’intention de chaque mot. Aurait-il, lui aussi, été sifflé le soir de la première? Quoi qu’il en soit, la Scala n’est décidément pas un théâtre comme les autres.



Claudio Poloni

 

 

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