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Le relais

Normandie
Deauville (Salle Elie de Brignac)
04/22/2012 -  
Olivier Messiaen : Quatuor pour la fin du temps (*)
Gabriel Fauré : Elégie pour violoncelle et piano, opus 24 (#) – Romance pour violoncelle et piano, opus 69 (#) – Papillon pour violoncelle et piano, opus 77 (#) – Quatuor pour piano et cordes n° 1, opus 15 (+)

Rémi Delangle (clarinette), Mi-Sa Yang (*), Alexandra Soumm (+) (violon), Adrien Boisseau (+) (alto), Yan Levionnois (*), Jérôme Pernoo (# +) (violoncelle), Adam Laloum (*), Jérôme Ducros (# +) (piano)


J. Pernoo (© Alix Laveau)


On pouvait craindre une très faible assistance lors du cinquième concert du seizième festival de Pâques de Deauville, car il avait lieu un dimanche matin, pluvieux de surcroît, un jour d’élection présidentielle pouvant du coup retenir les mélomanes à Paris et le programme débutait à l’heure du brunch par le Quatuor pour la fin du temps (1940-1941) d’Olivier Messiaen (1908-1992). En fait, elle fut des plus honorables compte tenu des circonstances. C’était heureux tant les interprètes furent de qualité.


Le Quatuor de Messiaen, créé dans un Stalag et déjà entendu à Deauville dans le même cadre luxueux de la salle Elie de Brignac, occupa l’intégralité de la première partie. Il fut entamé avec une excessive prudence comme si les artistes paraissaient impressionnés par le monument. Par la suite, les interprètes parurent plus impliqués, privilégiant le détail, l’intimité et le recueillement sur la scansion et le rythme. Dans la «Vocalise pour l’Ange qui annonce la fin du temps», ils parvinrent à suspendre le temps; dans l’«Abîme aux oiseaux», la clarinette de Rémi Delangle, vraiment remarquable, put extraire du silence des phrases presque aux limites physiques humaines; le violoncelle de Yann Levionnois fut d’une douceur angélique quoique parfois incertain dans la «Louange à l’éternité de Jésus», tandis que le piano d’Adam Laloum, parfait de justesse, était comme transformé en clocher; la «Danse de fureur pour les sept trompettes» bénéficia de la cohérence des instrumentistes au profit d’une formidable impression de vitesse et de puissance malgré une violoniste d’origine sud-coréenne, Mi-Sa Yang (née en 1987), ayant tendance à écraser un peu son archet sur les cordes; le «Fouillis d’arcs-en-ciel» fut flamboyant comme il se doit et la violoniste se rattrapa lorsque, les yeux clos, le visage impassible, elle conclut une admirable «Louange à l’immortalité de Jésus», à l’intériorité particulièrement émouvante.


La seconde partie était intégralement consacrée à des œuvres de Gabriel Fauré (1845-1924). On fit appel pour elles à deux des fondateurs du festival, Jérôme Pernoo et Jérôme Ducros. La célèbre Elégie (1883) ne manqua pas d’élégance raffinée et même d’une certaine retenue. La Romance (1894), initialement programmée avant le quatuor, fut tout aussi réussie, le violoncelle exhalant des effluves sonores de toute beauté malgré de menus accrocs, avant que la souplesse de l’archet de Jérôme Pernoo n’éclate pour évoquer des Papillons (1884) multicolores comme les fauteuils de cuir de la nouvelle salle Elie de Brignac, accompagné par un piano de Jérôme Ducros particulièrement fin. Les deux compères se retrouvèrent enfin pour se joindre, dans l’esprit du festival, comme pour leur passer le relais, à deux jeunes interprètes, Alexandra Soumm (née en 1989) et Adrien Boisseau (né en 1991), et le Premier Quatuor. Disons-le nettement, ces jeunes furent parfaitement à la hauteur de l’œuvre et de leurs aînés. Si le toucher aérien de Jérôme Ducros était naturellement exemplaire, la diction de Jérôme Pernoo toujours aussi sûre que claire, on ne put notamment que constater, au terme d’un final de toute beauté, que la violoniste d’origine russe mais formée en France, par sa précision et son goût, pouvait légitimement s’attendre à une brillante carrière.



Stéphane Guy

 

 

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