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Poignant

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/19/2012 -  
Antonín Dvorák : Concerto pour violon et orchestre en la mineur, opus 53, B. 108
Franz Schubert : Symphonie n° 9 «La Grande» en ut majeur, D. 944

Anne-Sophie Mutter (violon)
Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


A.-S. Mutter (© Harald Hoffman/DG)


Ce concert aura été un concert de tous les contrastes, comme on en connaît peu au cours d’une saison musicale... La foule envahit littéralement le Théâtre des Champs-Elysées, le vaste hall d’entrée se muant en veritable parcours du combattant pour parvenir à se frayer un chemin à travers un flot de spectateurs ininterrompu: preuve que le seul nom d’Anne-Sophie Mutter (car la venue de la célèbre violoniste en est sûrement en grande partie responsable) suffit encore aujourd’hui, plus de trente-cinq ans après sa découverte par Herbert von Karajan, à attirer le public en masse. La joie et la fébrilité sont donc de mise jusqu’à ce que soliste et chef entrent sur scène. En effet, chacun ne peut que retenir son souffle en voyant un Kurt Masur visiblement très affaibli, amaigri, chancelant presque, gagner son estrade sous le regard à la fois admiratif et quelque peu inquiet de l’orchestre.


Il est dommage que le Concerto pour violon d’Antonín Dvorák (1841-1904) ne soit pas fréquemment donné, au contraire de ceux de Beethoven ou Brahms notamment. Même s’il a été récemment joué à New York sous l’archet flamboyant de Frank Peter Zimmerman et, Salle Pleyel, sous celui de Leonidas Kavakos, ce concerto, qui occupa Dvorák pendant près d’un an (de juillet 1879 à mai 1880), est une œuvre absolument splendide où les accents folkloriques du troisième mouvement concluent une pièce au lyrisme éperdu, notamment dans le deuxième mouvement. Toujours habillée d’une magnifique robe fourreau, Anne-Sophie Mutter en donne une interprétation de très haut niveau en dépit de quelques accrocs techniques (vers la fin du premier mouvement) et d’une justesse parfois perfectible. Investissant l’œuvre dans ses moindres recoins, elle impose une vision extrêmement volontariste du concerto, jouant notamment le Finale (Allegro giocoso, ma non troppo) avec une grâce et une finesse (quels aigus!) dignes de tous les éloges. Néanmoins, le plaisir d’entendre cette artiste, qui plus est dans cette œuvre, se trouve quelque peu assombri par un Kurt Masur visiblement au bord de la rupture. C’est d’ailleurs Sarah Nemtanu, premier violon solo, qui bat constamment la mesure à l’attention de l’orchestre, soit de son archet lorsqu’elle ne joue pas, soit par de grande gestes lorsqu’elle guide le pupitre des premiers violons, veillant notamment à donner les départs de chacun; son rôle aura donc été tout à fait remarquable (ce n’est pas un hasard si, très chaleureusement, Anne-Sophie Mutter lui fera la bise au moment des saluts) et essentiel au bon déroulement du concert. Bien que sa gestique soit quasiment inexistante et que ce ne soit pas vers lui que les musiciens orientent leurs yeux (la soliste se tournant elle-même vers l’orchestre pour encourager ou accompagner du regard le hautbois ou les trompettes dans le deuxième mouvement, la flûte à la fin du troisième), Kurt Masur dégage néanmoins une véritable présence: nul doute que la tristesse du deuxième mouvement n’en aura que pris une tout autre dimension ce soir. L’ovation qui conclut l’œuvre permit à Anne-Sophie Mutter de donner un de ses bis favoris (la Sarabande de la Deuxième Partita de Johann Sebastian Bach), celle-ci revenant saluer sur scène avec Kurt Masur à son bras: beau geste, réelle émotion...


La Neuvième Symphonie (1826) de Franz Schubert (1797-1828) est une vieille compagne pour Kurt Masur, lui qui fut longtemps le directeur musical de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, ville où l’œuvre fut créée en 1839 sous la direction de Felix Mendelssohn. Il la connaît intimement, pour l’avoir notamment dirigée alors qu’il était seulement directeur musical de l’Orchestre national de France (voir ici): sans nul doute, cette appréhension lui aura facilité la direction de cette seconde partie de concert même s’il a paru légèrement en meilleure forme que dans la première. On aurait certes pu rêver cors (pourtant très bien tenus par Vincent Léonard et François Christin) au jeu plus majestueux dans l’introduction (Andante) du premier mouvement, hautbois plus lyrique dans le célèbre thème du deuxième (Pascal Saumon montrant d’ailleurs quelques autres signes de faiblesse durant la symphonie) ou trompettes autrement moins banales mais chacun aura compris que, ce soir, l’essentiel était ailleurs. L’humain aura largement dominé la dimension strictement musicale de ce concert: ainsi, Kurt Masur, en dépit d’une interprétation qui, en fin de compte, aura été seulement bonne, distille indéniablement un véritable souffle à cette symphonie, refusant de la jouer de façon trop germanique, préférant jeter un regard attendri vers ses racines classiques plutôt que vers un romantisme plus tardif.


Evidemment, le public (qu’Anne-Sophie Mutter avait rejoint au moment de l’entracte) fit une ovation comme rarement entendue à l’endroit du chef qui fêtera ses quatre-vingt-cinq ans en juillet prochain. Quelque peu ragaillardi par ces applaudissements et par un orchestre visiblement très ému, Kurt Masur ne parvient pas pour autant à vraiment donner le change. La saison prochaine devrait le voir diriger, à la tête du National, un grand cycle Brahms. On espère très sincèrement, Maître, pouvoir vous y applaudir et saluer ainsi en vous l’immense musicien que vous êtes.


Le site d’Anne-Sophie Mutter



Sébastien Gauthier

 

 

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