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Un sombre Orphée

Angers
Grand Théâtre
03/18/2012 -  et 20, 22* mars 2012
Christoph Willibald Gluck : Orphée et Eurydice (révision Hector Berlioz)
Julie Robard-Gendre (Orphée), Hélène Guilmette (Eurydice), Sophie Junker (Amour)
Chœur d’Angers Nantes Opéra, Sandrine Abello (direction), Orchestre National des Pays de la Loire, Andreas Spering (direction musicale)
Emmanuelle Bastet (mise en scène), Tim Northam (décors et costumes), François Thouret (lumières)


J. Robard-Gendre, H. Guilmette (© Jef Rabillon)


Ce n’est pas l’un des moindres paradoxes que l’œuvre la plus célèbre de Gluck soit plus connue dans sa version Berlioz de 1859 (version retenue à Angers Nantes Opéra), réécrite pour le gosier et le tempérament de Pauline Viardot. Cette mouture est parfois donnée dans une traduction italienne, alors que Gluck lui-même avait pris la peine de nous livrer deux versions, l’une en italien pour castrat alto (Vienne, 1762), et l’autre en français pour ténor (Paris, 1774).


Signataire d’une remarquable production du rare Lucio Silla de Mozart ici même il y a deux saisons, Emmanuelle Bastet livre une vision assez sombre du chef-d’œuvre de Gluck. Le spectacle débute par une scène de funérailles où le chœur se lamente, à l’unisson d’Orphée, sur le linceul blanc d’Eurydice, étendue à même le sol. La même scène réapparaît dans le tableau final car la réalisatrice a volontairement évacué le lieto fine traditionnel, pour clore cette histoire de deuil infaisable par la mort des deux amants, seule issue possible à leurs amours contrariées (à l‘instar du Tristan und Isolde wagnérien). A part la scène des champs Elysées au II, teintée de couleurs mordorées, la scénographie est plongée dans une obscurité prégnante, parfois contredite par quelques faisceaux de lumières blanches (éclairages signés François Thouret). Dans cette même optique, les trois protagonistes portent des vêtements d’un blanc immaculé. Intéressante et touchante idée que de dédoubler les deux héros par des enfants (également habillés en blanc) et de transformer Amour en copie conforme d’Orphée (même costume, même coupe de cheveux). On saluera enfin la direction d’acteurs, caractérisée par une économie de gestes et toujours chargée d’une poignante émotion.


La distribution sert le compositeur avec grandeur. C’est un Orphée de rêve qu’incarne la nantaise Julie Robard-Gendre, qui porte le travesti avec une vérité troublante, sachant accorder sa démarche virile aux accents véhéments de son chant. Si la voix manque parfois de puissance et de mordant, elle n’en convient pas moins à ce rôle, tant par sa franchise que par ses inflexions pathétiques, jamais trop appuyées. Hélène Guilmette est une Eurydice accomplie, aux notes rondes et claires dans le médium et un aigu aussi éclatant que délié. L’Amour de Sophie Junker s’avère non moins parfait, avec un timbre qui ne manifeste aucune fracture, et un art consommé de donner un sens à une partie vocale qui ne compte pas au nombre des plus grandes réussites musicales de son auteur.


Dans la version que Berlioz a réécrite pour la Viardot, l’orchestre est élevé au rang de protagoniste aux interventions musclées. Las, malgré tous les efforts du chef allemand Andreas Spering, l’Orchestre National des Pays de la Loire sonne bien platement toute la soirée durant, avec des cordes aigres et rêches. Certes cette phalange est peu rompue à ce répertoire, mais tout de même!



Emmanuel Andrieu

 

 

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