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Réjouissant et inventif

Lille
Opéra
03/12/2012 -  et 14, 16, 18*, 20, 22 mars (Lille), 1er, 3 avril 2012 (Dijon)
Claudio Monteverdi : L’incoronazione di Poppea
Sonya Yoncheva (Poppée), Max Emanuel Cencic (Néron), Ann Hallenberg (Octavie), Tim Mead (Othon), Paul Whelan (Sénèque), Amel Brahim-Djelloul (Drusilla), Rachid Ben Abdeslam (La Nourrice, Homme de la maison de Sénèque), Emiliano Gonzalez Toro (Arnalta), Anna Wall (La Fortune, Venere, Pallade), Khatouna Gadelia (La Vertu, Valet), Camille Poul (L’Amour, Damigella), Aimery Lefèvre (Mercure, Consul), Patrick Schramm (Homme de la maison de Sénèque, Licteur, Tribun), Mathias Vidal (Soldat, Homme de la maison de Sénèque, Lucain, Tribun), Nicholas Mulroy (Soldat, Libertus, Tribun), Rachid Zanouda, Pierre-Guy Cluzeau (comédiens)
Le Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction)
Jean-François Sivadier (mise en scène), Alexandre de Dardel (scénographie), Virginie Gervaise (costumes), Philippe Berthomé (lumières), Cécile Kretschmar (maquillages, coiffures)


(© Frédéric Iovino)


Cette nouvelle production du Couronnement de Poppée (1642) de Monteverdi à l’Opéra de Lille ravive l’excellent souvenir laissé par Les Noces de Figaro en 2008. Rien d’étonnant à cela puisque la même équipe est à l’œuvre pour la mise en scène, la scénographie, les costumes, les lumières, les maquillages et les coiffures. Jean-François Sivadier, qui a une façon bien à lui, réjouissante et inventive, de représenter un opéra comme s’il s’agit d’une pièce de théâtre, développe cette fois le concept, déjà éprouvé, d’un spectacle qui s’élabore au fur et à mesure devant le public. L’idée se tient d’autant plus que l’ouvrage s’y prête à merveille.


Un atelier laisse progressivement la place à une pièce à part entière (avec costumes d’époque) dans un élan irrésistible et virtuose, proche de l’improvisation. Le metteur en scène précise avec acuité le contour des nombreux personnages qui dévoilent dès lors leur grandeur, leur faille, leur émoi, leur sensualité, en somme leur humanité. Les trois heures filent à toute vitesse, sans que l’attention ne se relâche, grâce à un jeu d’acteur extrêmement au point, une occupation de l’espace optimale, une succession d’idées aussi excellentes les unes que les autres et une confrontation impeccable entre tragique et comique. Alexandre de Dardel signe une scénographie aussi cohérente que splendide, proche dans l’esprit de celle des Noces de Figaro, et superbement éclairée par Philippe Berthomé qui opte pour des teintes tantôt froides, tantôt chaudes, si bien que le visuel de ce Couronnement de Poppée compte parmi les plus esthétiques admirés ces dernières années sur cette scène.



(© Frédéric Iovino)


L’Opéra de Lille est parvenu à réunir une distribution de haut vol : comme chacun s’investit sans s’économiser et interagit étroitement avec l’autre, il règne un véritable esprit de troupe, condition sine qua non pour concrétiser les intentions de Jean-François Sivadier. Vocalement, c’est Byzance : timbre, legato, ligne, ampleur, profondeur, assurance, importance accordée aux mots, les qualités abondent au point qu’il paraît vain de recenser en détail la prestation de chaque interprète. Parmi les plus remarquables figurent Sonya Yoncheva, Poppée très en voix, au physique de rêve et irrésistiblement lascive, Max Emanuel Cencic, aussi bon comédien que chanteur, inquiétant et hystérique dans le rôle de Néron et Ann Hallenberg, mezzo-soprano opulente et expressive qui traduit toute la douleur ressentie par Octavie.


La palme de la délicatesse revient à Amel Brahim-Djelloul pour le rôle de Drusilla, celle de la sincérité à Tim Mead (Othon), de l’humour à Rachid Ben Abdeslam et Emiliano Gonzalez Toro qui se travestissent en nourrice avec jubilation et celle de la révélation musicale à Paul Whelan qui incarne un Sénèque rectiligne et revêtu d’une autorité naturelle – merveilleuse idée, d’ailleurs, que de le représenter statufié en début de seconde partie. Le reste du plateau (Anna Wall, Aimery Lefèvre, Patrick Schramm, Mathias Vidal, Nicholas Mulroy) se hisse à la hauteur de l’enjeu mais chapeau bas pour Khatouna Gadelia (La Vertu, Valet), dont le charme, la taille et le sourire évoquent Yulia Lezhneva, et la savoureuse Camille Poul (L’Amour, Damigella). Inspiré par la gestuelle élégante et ferme d’Emmanuelle Haïm, Le Concert d’Astrée se montre égal à lui-même, à la fois alerte, raffiné et précis, même lors des interventions individuelles. Il reste à espérer qu’un DVD immortalise ce spectacle épatant et qui fait honneur à la réputation de l’Opéra de Lille, une maison décidément bien tenue.



Sébastien Foucart

 

 

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