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Parisian Psycho

Paris
Opéra Bastille
03/15/2012 -  et 18, 21, 23, 25 mars, 3, 8, 12, 14, 16, 19, 21 avril 2012
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527

Peter Mattei (Don Giovanni), Paata Burchuladze (Il Commendatore), Patricia Petibon (Donna Anna), Bernard Richter/Saimir Pirgu (Don Ottavio), Véronique Gens (Donna Elvira), David Bizic (Leporello), Nahuel di Pierro (Masetto), Gaëlle Arquez (Zerlina)
Chœur de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef de chœur) et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan*/Marius Stieghorst (direction)
Michael Haneke (mise en scène), Christoph Kanter (décors), Annette Beaufaÿs (costumes), André Diot (lumières)


V. Gens, P. Mattei (© Opéra national de Paris/Charles Duprat)


Créé en 2006 et repris dès 2007 (sous l’ère Mortier), le Don Giovanni (1787) taillé au scalpel par le cinéaste autrichien Michael Haneke revient sur la scène de Bastille. Si Haneke supplante Mozart dans cette relecture contemporaine du livret de Lorenzo da Ponte (lire ici), le spectacle fonctionne indubitablement (... point de huées pour cette première très applaudie). Les récitatifs continuent pourtant d’être plombés par des longueurs que ni les silences prolongés (lassants à force d’immobilité et de pénombre... écrin idéal pour les tousseurs), ni la platitude de l’accompagnement au pianoforte (sans inventivité aucune) ne parviennent à remplir.


Le décor unique (l’étage de la direction dans une tour d’affaires à La Défense) n’est pas un obstacle à la diversification des climats. Il donne d’ailleurs une explication crédible à la dérive obsessionnelle et névrotique du personnage principal, enfermé dans le huis clos de l’ambition et de l’égocentrisme, devenant progressivement un prédateur sex addict (façon American Psycho). On reste, en revanche, davantage impressionné que convaincu par la falsification du dénouement, le cadavre du Commandeur n’étant qu’un prétexte au meurtre – social comme physique – de Don Giovanni, poignardé par une Elvire aussitôt repentante, jeté dans le vide – encore vivant (Haneke refuse le nihilisme du personnage et l’hypothèse d’une punition divine) – par la foule des anonymes de l’équipe de nettoyage... eux-mêmes vêtus de masques de Mickey faisant immanquablement penser au Roi Roger de Warlikowski (une autre trahison commise sur la même scène).


L’engagé Philippe Jordan et l’impeccable Orchestre de l’Opéra donnent le ton dès l’ouverture: leur lecture sera professionnelle et propre, plutôt intense et allante – quitte à bousculer (par excès d’enthousiasme) certaines fins de phrases pour les chanteurs –, vive voire anguleuse... enfin, autant que l’acoustique ouverte de Bastille le permet dans Mozart! Le plateau suscite des réactions plus contrastées mais les ensembles sont harmonieux (le sextuor du second acte notamment) et les seconds rôles à la hauteur: Paata Burchuladze est égal à lui-même en Commandeur, Nahuel di Pierro convainc en Masetto et la jeune et pimpante Gaëlle Arquez – débutant in loco – campe une Zerlina à la voix étroite mais maîtrisée, jouant à fond la carte de la petite coquine. Aussi étonnant que cela paraisse, Véronique Gens faisait également ses débuts à l’Opéra national de Paris: si la voix n’est pas sans faille (une justesse parfois prise en défaut, un placement pas toujours impeccable) et pourrait être plus virtuose, la tragédienne s’impose dans ce personnage à sa mesure – émouvante en femme dépressive aux tendances autodestructrices (un personnage à la Haneke, en somme). A l’inverse, Patricia Petibon compense comme elle peut sa voix trop légère pour Donna Anna en surjouant les vocalises et en s’investissant pleinement dans ce rôle bien lourd pour elle.


David Bizic chantait Masetto dans la production d’origine (en 2006 comme en 2007): celui qui fit ses classes au Centre de formation lyrique et à l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris prend du galon en incarnant Leporello... Est-ce le poids du rôle ou la difficulté de succéder à Luca Pisaroni qui explique la déception qu’il suscite? Court en graves, manquant de puissance dans la voix et de présence sur scène, il ne livre qu’une prestation honnête dans une partition où l’on attend bien davantage. A contrario, Bernard Richter est une bonne surprise – pas toujours à l’aise en Don Ottavio (il faut dire que le metteur en scène lui impose quelques postures pésilleuses) mais triomphant de sa redoutable partie de ténor grâce à sa voix aux aigus faciles et capable de somptuosités. Mais celui qui domine sans conteste – par sa présence scénique et son charisme vocal – et qui porte ce spectacle – depuis sa création –, c’est Peter Mattei. Souverain dans tous les registres de la voix, conquérant par la ductilité et la richesse de son timbre, d’une intensité ravageuse dans sa dernière scène, le baryton suédois est Don Giovanni: l’évidence d’une incarnation.


La vidéo de présentation du spectacle



Gilles d’Heyres

 

 

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