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A la découverte du jeune Debussy

Paris
Salle Pleyel
02/26/2012 -  et 18 (Montpellier), 23 (Genève), 28 (Toulouse) février, 4 mars (London) 2012
Claude Debussy : Les Baisers d’amour – Romance («L’âme évaporée et souffrante») – Les Cloches – L’Archet – Rondel chinois – Suite bergamasque: «Clair de lune» – Clair de lune – En sourdine – Fête galante – Pierrot – Apparition – Coquetterie posthume – Regret – Romance d’Ariel – Les Elfes
Emmanuel Chabrier : Chanson pour Jeanne
Ernest Chausson : Le Temps des lilas
Henri Duparc : L’Invitation au voyage
Gabriel Fauré : Nocturne n° 4, opus 36

Natalie Dessay (soprano), Philippe Cassard (piano)


N. Dessay, P. Cassard (© Marc Ribes/Virgin Classics)


Tout juste rescapée d’une désastreuse production de Manon à Bastille et alors qu’elle a récemment annoncé son intention de prendre une année sabbatique en 2015, la cinquantaine venue, afin « de se reposer, de se recentrer, de profiter de sa famille et de s’ouvrir, peut-être à d’autres formes d’expression et d’art», Natalie Dessay apporte sa contribution à l’année Debussy avec un programme bâti autour d’une quinzaine de mélodies de jeunesse, écho d’un album réalisé en novembre dernier et publié tout récemment chez Virgin.


Le concept intrigue au premier abord, s’agissant tant de l’interprète que du répertoire. En effet, la soprano française, qui a fort peu sacrifié à l’exercice du récital par le passé, ne l’avait pas pratiqué depuis plus de dix ans. Quant à Debussy, même si elle a abordé le rôle de Mélisande ces derniers temps (voir ici), elle n’a sans doute pas opéré le choix le plus évident: non seulement elle ne se tourne pas, au sein d’un catalogue aussi abondant que peu pratiqué, vers les recueils les plus tardifs et les plus réputés (Chansons de Bilitis, Ballades de François Villon, Poèmes de Stéphane Mallarmé), mais la sélection, non contente de se concentrer sur les années d’apprentissage du compositeur, alors pianiste de l’égérie de Tchaïkovski, Madame von Meck (et soupirant d’une de ses filles), puis pensionnaire à la villa Médicis, écarte tout ce qui peut s’y trouver de connu (Beau soir, Ariettes oubliées, Poèmes de Baudelaire). Alors âgé de 18 à 24 ans, le musicien apparaît cependant déjà très doué – dès ses débuts, avec une langoureuse Nuit d’étoiles (1880), le premier bis – mais il n’est pas encore aisément reconnaissable, demeurant tributaire de Massenet ou de ceux qui ouvrent la seconde partie, cernant parfaitement le contexte esthétique dans lequel il évoluait: Chabrier, Chausson et Duparc, sans oublier, en troisième et dernier bis, «Tu m’as donné le plus doux rêve» extrait de Lakmé (1883) de Delibes.


Dès lors, il faut se réjouir que ces «anniversaires» célébrés avec une application parfois un peu pesante permettent d’explorer ainsi des régions moins familières grâce à des artistes renommés – qui d’autre que Natalie Dessay pourrait remplir la salle Pleyel un dimanche après-midi, à l’invitation de la série «Les grandes voix», avec une telle affiche? La satisfaction est d’autant plus de mise que la cantatrice, au lieu de se reposer, comme tant d’autres, sur un pâle accompagnateur, fait équipe avec un éminent alter ego, Philippe Cassard, dont la somme debussyste vient d’être rééditée chez Decca en même temps qu’un nouvel enregistrement en duo avec François Chaplin (voir ici). Et c’est lui qui a attiré son attention sur des manuscrits qui sont arrivés entre ses mains: voilà qui nous vaut donc trois inédits – Les Baisers d’amour (1882), L’Archet (1881) et, en deuxième bis, Le Matelot qui tombe à l’eau (1881) – ainsi qu’une «création mondiale», Les Elfes (1881), longue ballade de Leconte de Lisle.


La riche sonorité et le jeu raffiné du pianiste français ne surprennent pas: intervenant en solo à mi-chemin de chacune des deux parties d’un tour de chant soigneusement agencé, il donne «Clair de lune», troisième des quatre pièces de la Suite bergamasque (1890), qui précède logiquement la première version de la mélodie Clair de lune (1882), et le Quatrième Nocturne (1884) de Fauré. Egal à lui-même en solo, il phrase ces deux pièces sans chichis et avec une fluidité idéale, mais on découvre aussi le partenaire attentif, sachant ne pas se mettre trop en avant sans paraître pour autant trop effacé.


Dans le lamé scintillant d’une longue robe bustier, Natalie Dessay lance une première salve de cinq mélodies: à voir ses amples gestes ou poses (bob)wilsoniennes, difficile de ne pas se dire que la scène, la vraie, lui manque. Surtout, elle ne tient pas une forme exceptionnelle, et ce tout au long d’une prestation irrégulière, résultant d’une fragilité vocale par moments d’une embarrassante évidence: timbre changeant avec la tessiture (et pas toujours séduisant), attaques hasardeuses, aigus durs ou serrés. En outre, la diction, pourtant si essentielle au genre, ne bénéficie pas d’une attention suffisante, même si l’on ne peut qu’admirer la tenue de la ligne de chant, qui magnifie le caractère lyrique de la Romance «L’âme évaporée et souffrante» (1885) et des Cloches (1885) – de même qu’ensuite de Regret (1884) – et un charisme intact dans la pyrotechnie du Rondel chinois (1881), «bonus» qui n’était initialement pas prévu, et, plus tard, dans la Romance d’Ariel (1884).


La deuxième salve, avant l’entracte, comprend notamment la première version d’En sourdine (1882), Fête galante (1882), dont le thème revient quelques années plus tard dans le «Menuet» de la Petite Suite pour piano à quatre mains, Pierrot (1882), avec sa référence décalée (Au clair de la lune) dont l’humour annonce déjà l’apparition, une décennie plus tard, de Nous n’irons plus au bois dans «Jardins sous pluie», et une mallarméenne Apparition (1884): Natalie Dessay gagne en assurance, mais son style évoque davantage Poulenc que Fauré. C’est également le cas, à la reprise, dans la Chanson pour Jeanne (1886) de Chabrier, tandis que Le Temps des lilas (1886), que Chausson intégra ensuite à son Poème de l’amour et de la mer, prend ici une tournure opératique. Mais L’Invitation au voyage (1870) de Duparc est indéniablement réussie et, dès que la musique se fait vive et spirituelle – Coquetterie posthume (1883) – le public retrouve avec bonheur ce tempérament piquant qui a fait son succès en Eurydice et en Zerbinette.


Le site de Natalie Dessay
Le site de Philippe Cassard



Simon Corley

 

 

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