About us / Contact

The Classical Music Network

Versailles

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Dardanus inédit

Versailles
Opéra royal
02/16/2012 -  et 15 (Bordeaux), 17 (Besançon), 18 (Le Touquet) février 2012
Jean-Philippe Rameau : Dardanus
Bernard Richter (Dardanus), Gaëlle Arquez (Iphise), João Fernandes (Isménor), Benoît Arnould (Anténor), Alain Buet (Teucer), Sabine Devieilhe (Vénus/Première Phrygienne), Emmanuelle de Negri (Amour/Seconde Phrygienne), Romain Champion (Arcas)
Pygmalion, Raphaël Pichon (direction musicale)


R. Pichon


Du coup du sort ayant annulé le projet scénique autour de la musique instrumentale de Dardanus prévu en décembre 2010 à l’Opéra Comique, Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion en ont fait presqu’un tremplin vers la résidence qui leur a été proposée au festival de Beaune, où ils vont donner, pendant trois éditions successives, des versions inédites de Dardanus, de Castor et Pollux et d’Hippolyte et Aricie. C’est que Rameau était un perfectionniste et a remis sur l’ouvrage ses tragédies lyriques, pour les adapter en fonction des critiques et de l’évolution du goût. Après la présentation festivalière l’été dernier, l’ensemble français reprend le premier opéra de la série pour une série de concerts pendant cette semaine de mi-février, à Bordeaux, avant la performance versaillaise de ce soir, puis Besançon et Le Touquet.


L’enregistrement désormais fameux de Marc Minkowski paru chez Archiv fait entendre la version originale, de 1739, sans omettre cependant l’incontournable morceau de bravoure dramatique, «Lieux funestes», qui ouvre le quatrième acte. La version que propose Raphaël Pichon, qui reprend pour l’essentiel la mouture de 1744, avec quelques corrections, ablations ou ajouts ultérieurs, est ainsi une découverte pour le public – elle le fut absolument à Beaune, et le reste pour la majorité des spectateurs versaillais. Si la première partie de la soirée ne se distingue de la version princeps que par des détails, les trois derniers actes font entendre une musique et une dramaturgie largement refondées, plus économes en divertissement, davantage concentrées sur l’évolution psychologique des personnages. Ce que l’on perd en exotisme, on le gagne en intensité expressive, en austérité aussi. On pourrait dire qu’il s’agit d’un retournement de perspective avec le projet initial autour de la musique instrumentale de l’ouvrage, hâlée d’un exotisme et d’une rythmique pêchue propres à la fonction de divertissement dansé qui lui est souvent dévolue – sans s’y limiter cependant. Tandis que la partition de 1739 s’inscrit dans la lignée des Indes galantes, véritable laboratoire d’harmonies et d’associations de timbres pour le seul chatoiement des oreilles, la révision de 1744 soumet cette fantaisie à l’intentionnalité dramatique, renouant avec les origines d’intelligibilité du modèle lullyste, pour le renouveler et l’approfondir. Il en résulte une œuvre plus sévère, qui regarde vers une maturité que ne renieraient pas les idéaux gluckistes.


La direction de Raphaël Pichon révèle une compréhension fine des enjeux de cette exhumation. A rebours de la roborativité parfois envahissante d’un Minkowski, le jeune chef français équilibre les textures et les couleurs avec une belle subtilité, et laisse s’épanouir un ingénieux sens de la rythmique, n’hésitant à fouiller les irrégularités de tempo pour enrichir la pâte sonore autant que les effets expressifs. Sans préjuger d’une réécriture orchestrale plus transparente, allégeant ici ou là certains pupitres, on est charmé par la fluidité du discours, évidente dans la «Chaconne» conclusive, où les variations s’enfilent les unes après les autres avec une verve ininterrompue, brusquement suspendue en sa médiane, avant de s’alanguir jusqu’à la coda.


Applaudi il y a quelques mois lors de la reprise d’Atys, Bernard Richter domine avec un Dardanus éclatant, aux attaques franches, frôlant toutefois l’agressivité. Nonobstant de discrètes tensions, la tessiture de haute-contre à la française trouve ici un interprète de premier ordre. Iphise habitée, Gaëlle Arquez retient l’attention avec de véritables talents dramatiques, qui font tolérer une ligne d’une inconstante égalité et un timbre frissonnant d’acidité. João Fernandes n’hésite pas à recourir aux ressources sûres et généreuses de sa voix de basse pour le prêtre Isménor, au risque d’alourdir la caractérisation du personnage. Benoît Arnould manifeste un métier affirmé dans le rôle d’Anténor, avec autant d’aplomb que de nuances, jugulant avec tact et émotion l’abrupte sortie de scène du personnage. Alain Buet, Teucer, se sent chez lui dans ces vêtements paternels auxquels la carrière qui le précède le destine désormais, et pour lesquels les progrès de la charbonneuse pollinisation de l’âge ne s’avèrent point trop dirimantes. Très présente tout au long de l’ouvrage, Sabine Devieilhe, Vénus et Première Phrygienne acidulemment sinusitées, fait regretter la parcimonie des interventions charnues et sensibles d’Emmanuelle de Negri, Amour et Seconde Phrygienne, prouvant que les mélismes stylistiques ne condamnent pas à un resserrement de l’émission. Plutôt taille qu’haute-contre, Romain Champion laisse Arcas à son statut de figuration vocale. Les ensembles et les chœurs complètent avec efficacité un plateau qui, préservant la lisibilité du chant, bien que parfois à un degré moindre, fait honneur à la déclamation française.


Le site de Pygmalion



Gilles Charlassier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com